Du nord-Vietnam à l'hopital de Gap : blessure et rapatriement !




Si vous lisez ceci, vous n'oublierez plus jamais de prendre une assurance rapatriement !

Le calme avant la tempête

Lundi 23 décembre, 5ème jour de voyage, tout allait bien pour nous en vélo sur les petites routes montagneuses du nord  Vietnam, quelque part entre les provinces de Song La et de Yen Bai, sauf le ciel qui refusait obstinément de laisser passer le soleil et ce petit grain de sable dans l'itinéraire qui a fini par se transformer en tsunami.

Sur notre GPS, nous avions pourtant tracé un bel itinéraire sinueux qui nous permettait de trouver un hôtel sur Booking.com ou sur Google Maps tous les 80 km environ.

Sur une route goudronnée  balisée de belles bornes rouges et blanches héritées de la France coloniale, nous avancions parmi les plantations de maïs que les villageois venaient de récolter en épis jaune orangé étalés à sécher sur les terrasses en pilotis, flash de couleurs dans un monde monochrome. Des chevaux chargés de panières transportant le précieux butin avançaient tranquillement sur la route et ce spectacle rural paisible a rythmé notre matinée.

Une bifurcation à gauche se présenta et le GPS nous indiqua de la suivre. Cette route était plus étroite que l'autre, et ceci nous intrigua. Nous avons d'abord fait un essai tout droit, jusqu'au bip "erreur de parcours" qui nous confirma qu'il fallait bien prendre cette nouvelle route. Un village traversé fût suivi d'un arrêt pour se dévêtir un peu parce que ça commençait à monter : ceci nous conforta dans l'itinéraire emprunté car nous devions en effet nous élever jusqu'à 600 mètres à mi-parcours. Mais la route devînt très étroite. Le macadam toujours en bon état, mais la végétation envahissait l'espace jusqu'à ne laisser qu'un mètre de large de passage. Pas normal...

Arrêt, consultation de Google Maps : "notre route est pourtant bien celle-ci, on voit la succession de lacets pour franchir cette colline !". Une mobylette nous dépasse et monte, nous l'écoutons pour savoir si elle va franchir l'obstacle : oui, au bout de deux minutes, nous l'entendons pétarader dans les lacets. Nous repartons jusqu'à finir dans la bouse de vache, puis la boue... Non, définitivement ce n'est pas possible :  cela ne peut pas être notre itinéraire et nous décidâmes alors de faire demi-tour.

Des décisions qui ont des conséquences 

C'est précisément là que le grain de sable de l'itinéraire contrarié se transforma en boulet : je chutai en descente. Pédalant derrière Mark, ma roue arrière glissa sur le macadam lisse, humide et boueux.  J'aurais dû laisser aller, mais dosant mal mon freinage, je bloquai mon frein avant (à disque), fût éjectée du vélo et projetée en avant, mon bras droit en extension. Je glissai de tout mon long sur quelques mètres causant une  vive douleur à l'intérieur du bras. Ça ressemblait à une déchirure musculaire proche de l'aisselle, sur le triceps. Je rassemblai mon énergie, mis quelques minutes à me calmer et à évaluer les dégâts :  cuissard déchiré, couverte de boue, le vélo un peu en vrac mais sans gravité apparente, puis je me relevai. Mark sortit la crème d'arnica de la trousse à pharmacie et du Doliprane. Il mit mon sac à dos sur le sien et redressa mon vélo. Mon bras droit étant moins douloureux quand je le plaquai entre mes seins, je glissai mon pouce dans la bretelle de mon soutien-gorge. Nous redescendîmes à pied, retraversâmes le village sous le regard d'habitants prêts à nous aider, mais à ce stade, je n'envisageai d'aide de personne : nous allions continuer.

Obstination

Nous retournâmes à la bifurcation et je jugeai que je pouvais pédaler en montant. Le mystère de l'itinéraire contrarié se dévoilât ici : en continuant sur la route que nous avions initialement quittée, nous constatâmes que cette route était neuve et sans doute construite pour remplacer l'autre, fermée par un éboulement, jusqu'à franchir le col. Google Maps n'était donc pas à jour, pas de chance ! Notre projet fut alors de rejoindre l'hôtel prévu ce soir à Nghia-Lo à environ 50 km, en stop si nécessaire dès que nous aurions rejoint la route principale. Ensuite, un ou deux jours de repos auraient du être suffisants pour retrouver ma mobilité.

Cette montée fût très facile, je pédalai tranquillement, le bras droit plaqué au corps, la main gauche au guidon. Environ 15 km après, nous arrivâmes dans un village en légère descente. Je descendis très doucement, Mark derrière moi.  Puis un virage, un chien qui traverse tranquillement, une hésitation à le contourner par la droite ou par  la gauche, je choisis la gauche, je prends trop de vitesse, je freine, je bloque, je passe au dessus à nouveau : même chute, bras droit en extension, cri-de-la-mort-qui-tue ... j'étais désespérée car cette fois-ci j'avais compris  : mon bras était cassé.

La Cata !

Mon premier souci fut de dégager le milieu de la route car un camion arrivait (doucement). Il y eu subitement beaucoup de monde autour de nous : des enfants, des adultes, mais je ne pus me lever et on me porta jusqu'au muret de l'entrée d'une maison. Je m'assis et pleurais en tenant mon bras cassé. Il était 13h30 environ.

Nos vélos furent dégagés du milieu de la route et une femme âgée sembla prendre la direction des opérations. On me posa des questions, je montrai mon bras, et je fis le signe "cassé" en disant "broken". Avec notre accord, on appella le docteur. Une jeune femme médecin arriva en mobylette une dizaine de minutes après et constata qu'elle ne pouvait rien faire pour moi. La femme âgée semblait avoir des enfants dans la trentaine, dont un fils qui avait un camion garé ici. Ils proposèrent de nous emmener à l’hôpital à 12 km. Mark se fit aider pour charger les vélos à l'arrière, je montai à l'avant sur une banquette et la femme du chauffeur, Thu Thu (institutrice, anglophone quelle chance !) monta à mes côtés, puis Mark à l'arrière et nous partîmes.

A l'hôpital local

Nous roulâmes environ une demi-heure, c'était  assez encombré, certains cahots me firent très mal. Avec une extrême gentillesse, Thu Thu mis un bras en travers de mon corps et m'aida à contenir les secousses même si son mari roulait très prudemment.  Je sentai une forte douleur sur le front et je compris que j'avais touché le sol avec ma tête, mais ça ne saignait pas. Nous arrivâmes dans une petite ville et le camion entra dans l’hôpital, bâtiment imposant entouré d'une enceinte. Je m'attendis à voir du personnel médical venir vers moi pour me traiter comme un cas urgent... A la place, tout le monde descendit, et j'attendis. Mark et Thu Thu revinrent me chercher pour que je rejoigne l'accueil.  J'eus subitement conscience d'être observée, et je me rendis compte que j'étais sale, mes vêtements pleins de boue, l'oeil bleu, et tous me regardaient intensément.

L’hôpital local est aussi le cabinet de toutes les consultations médicales et c'était plein de monde ! Beaucoup de gens attendaient sur des bancs, il y avait la queue au guichet, on me fit asseoir. Mark et Thu Thu parlaient avec une jeune femme habillée en blanc et qui avait l'air très dynamique. Elle me salua et m'emmena dans une salle avec deux lits et deux bureaux où des personnels médicaux (infirmiers ?) m’écoutèrent. Nous utilisions Google Translate de l'anglais vers le vietnamien, mais Thu Thu traduisait tout. On me posa des questions d'état civil, on me demanda de décrire ma douleur au bras (j'ai finalement oublié de parler de la tête !).

Subitement, il me revint qu'il fallait appeler notre compagnie d'assurance voyage (IMA pour MGEN) et Mark me donna son téléphone (le mien ayant une carte SIM locale) : j'avais enregistré le numéro avant de partir. Ça décrocha vite (pourtant il était 6h en France), mais la ligne étant mauvaise, je m'y pris à deux fois pour faire ma déclaration d'accident et je promis de rappeler dès que j'aurais du nouveau. Rétrospectivement, je suis étonnée par mon calme et celui de Mark.

Thu Thu partie rejoindre ses élèves, la jeune fille dynamique revint pour m'emmener passer une radio dans un autre bâtiment, mais me demanda avant si j'étais d'accord pour payer (le coût total sera de 9 €). Les locaux sont vastes et propres. Le matériel ne m'a pas semblé obsolète, même si on m'a forcé à me coucher sur une table métallique pour prendre 2 radios, ce qui fut très douloureux... Encore un peu d'attente dans la salle bondée où je commençais à vraiment ressentir la douleur car l'adrénaline s'estompait... On me proposa de faire venir un interprète, mais je n'en voyais pas l'intérêt, le traducteur Google étant suffisant. Enfin, on m'amena les radios avec un certificat en vietnamien que la jeune fille dynamique traduit : j'eu les yeux qui sortirent de ma tête en lisant sur son smartphone "you have broken bones and dislocated joints". Ouahou, ça me semblait un peu exagéré car mon épaule bougeait, seul mon bras semblait blessé.


La jeune fille dynamique n'eut aucune solution à nous proposer, et je n'avais toujours pas vu de médecin. Je lui demandais alors si je devais aller dans un plus grand hôpital ? "Oui", la réponse fusa  tellement vite que j'eus l'impression qu'ils étaient soulagés que je m'en aille ne pouvant me soigner sur place. La jeune fille dynamique m’emmena alors dans une autre salle de soins dans un autre bâtiment vers une infirmière qui m'installa un support fait d'une petite bandelette nouée à mon cou sur laquelle je pus poser mon poignet, et me donna 2 antidouleurs dans un petit sachet. Dans une grande enveloppe, j'avais maintenant un compte rendu médical signé d'un médecin que je ne verrai donc jamais, et mes 2 radios.

Deux vélos contre un taxi

La fidèle aide organisa le transport vers Hanoï : la meilleure solution était un taxi qui pouvait partir maintenant pour nous emmener au German Hospital.  A l'évocation du nom de cet hôpital, nous fûmes tout de suite d'accord ! Nous sortîmes du bâtiment pour aller en face dans une épicerie-taxi où j'attendis debout. On nous présenta le chauffeur, souriant, et sa voiture (équivalent d'une Golf de l'année 1995), puis sa femme infirmière qui voyagerait avec nous (chouette me dis-je, j'ai une infirmière qui va veiller sur moi. En fait... non, je n'ai même jamais vu son visage).

Mark, l'air soucieux, me dit qu'on allait avoir un problème avec les vélos qui avaient été déchargés du camion et étaient garés avec les autres 2 roues. Sans discuter plus que nécessaire, à voix basse, toujours entourés de mille personnes qui nous regardaient sans pudeur, nous décidâmes d'abandonner les vélos ici et de les  donner à la famille de Thu Thu qui nous avait beaucoup aidés. J'observais Mark retourner au parking vélo, décharger les bagages des vélos, laisser les casques, attacher le tout avec l'antivol, prendre une photo des vélos et donner la clé à la jeune fille dynamique avec pour instruction de les donner à Thu Thu. J'eus le coeur serré, mais ce n'était pas la peine d'en rajouter avec des larmes inutiles.
Adios amigos : ces vélos nous ont tant fait voyager !

J’achetais une bouteille d'eau, et toujours avec mes antidouleurs à la main, je commençais à compter les prises : 1 gr toutes les 6 heures. Nous montâmes à l'arrière, convinrent d'un prix (environ 80 €) et partîmes, il était 15h30.

La route était très encombrée, j'avais l'impression qu'en mobylette ou en vélo on peut se faufiler, mais nous étions coincés derrière des camions lents et puants, ce fût bien long. Je tenai mon bras et bandai mes muscles à chaque cahot. Il faisait nuit noire, nous passâmes la grande ville de Viet Tri que je pris pour Hanoï, puis nous prîmes l'autoroute, il pleuvait. Nous nous arrêtâmes 2 fois sur la bande d'arrêt d'urgence : heureusement, je n'éprouvais pas le besoin de vider ma vessie car me contorsionner derrière la voiture aurait été compliqué. Au 2ème arrêt, on nous offrit 2 épis de maïs chauds, savoureux, désaltérants, je mourrais de soif.
La pause maïs, je n'ai pas quitté la voiture

Hanoi est une ville très étendue. Le trajet fût  interminable, 5h de route pour moins de 200 km... Le chauffeur était hésitant sur le trajet à prendre, il semblait tourner autour d'un immeuble et chercher l'entrée : nous étions arrivés à l’hôpital. Pendant tout ce trajet, je m'étais imaginé une clinique européenne où j'aurais été attendue et prise en charge avec empathie. Nous déchantons quand j'interrogeai Google Maps : oui c'est bien l’hôpital général d'Hanoi appelé aussi German Viet Duc Hospital...

A l’hôpital d'Hanoi

Le chauffeur nous déposa avec nos bagages (nous avons de multiples sacs décrochés du cadre du vélo), et repartit... Il y avait beaucoup de monde à l'entrée malgré l'heure tardive : des gens qui attendent sur des brancards, des blessés d'accident de la route, surtout aux jambes, du sang... on ne sait pas où poser nos yeux et je ne sens pas vraiment prioritaire. Il y a 5 files d'attente jusqu'au guichet derrière lequel s'agitent des personnels en blouse blanche. Nous trouvons un endroit sur un banc pour reprendre nos esprits, mais la 4G ne marche pas ici (un comble, c'est la première fois depuis notre arrivée au Vietnam !). Nous observions tristement les déplorables conditions d'accueil de tous ces gens qui patientaient, et Mark prit alors la décision de partir. Je me laissai faire. Il pensait que nous serions mieux dans un hôtel pour réfléchir au calme. Il fit quelques pas à l'extérieur pour retrouver du réseau, réserva sur Booking.com le meilleur hôtel a proximité (44€ la nuit), un gardien nous indiqua un taxi dans lequel nous embarquâmes avec nos multiples bagages. Mais le taxi ne partait pas, le chauffeur était agité, je me demandais si la course trop courte était source de son mécontentement ? Non pas du tout : il avait crevé. Nous sortîmes pour trouver un autre véhicule. J'économisais les mots et les mouvements, nous continuions à rester tous les deux d'un calme olympien.

Un hôtel pour refuge

Le second taxi fut le bon, et nous arrivâmes avant 23h  dans un bel hôtel où tout se passa au mieux : ascenseur, bagages pris en charge, bouilloire, noodle soup, café et chips dans la chambre. Je m'assis et nous mangeâmes... enfin c'est Mark qui me nourrit à la becquée... C'est aussi la première fois que Mark me regarda de face à la lumière : j'avais un énorme coquard, l'oeil gonflé et bleu. Je souffrais dans mes vêtements de vélo : avec une lame de cutter, il découpa mon maillot qui comprimait mon bras tellement enflé. J’enlevai enfin mon cuissard et Mark me fit prendre une douche partielle.

Négociation avec l'assurance

Nous rappelâmes l'assurance, efficaces et très pros, même si à chaque fois je tombais sur une personne différente, le numéro de dossier était mon sésame. Ils demandèrent à voir mes radios. Un grand merci à nos smartphones et à la 4G: photographier les radios, le compte rendu, la traduction google, leur envoyer le tout en 2 ou 3 mails. Très rapidement, la réponse nous parvint par la même voie : nous allions être rapatriés tous les deux. Mais la condition préalable était d'obtenir un certificat "Fit To Fly" : apte à voyager en avion...

Il n'y avait pas d'autre solution que de chercher un médecin privé en ville pour l'obtenir.  La réponse arriva avec la Clinique Family Medical Practice qui, joignable par un standard anglophone 24/24, nous proposa de venir sans tarder. Taxi commandé à l'hôtel, quelques kilomètres à travers la ville et nous voici sur place en 15 mn. Le médecin était jeune et tout à fait charmant, il examina les radios et m'annonça qu'il faudrait m'opérer tout en précisant qu'à Hanoi, il y a tout ce qu'il faut pour m'opérer et me soigner correctement.  Il insista un peu, juste pour faire le job, et finit par me faire le document sésame "Fit To Fly". L'infirmière m'installa le bras dans un harnais de tissu scratché qui fut d'un grand soulagement, et je repartis avec encore quelques antidouleurs mais délestés de 130 €.

A l'hôtel, nous photographions ce certificat pour l'envoyer en mail à l'assurance. Leur réponse arriva sans tarder : il fallait maintenant que nous puissions obtenir de Vietnam Airlines la modification de nos billets d'avion, car eux n'avaient pas réussi à le faire... C'est Koh Lanta !! A chaque étape franchie, une nouvelle épreuve ! Il est temps de dormir un peu.

 A 8h, ouverture du standard de la compagnie, bien entendu personne ne répond. Nous appelâmes durant 30 minutes mais il fallut se résoudre à aller sur place. Taxi de l’hôtel à l'aller, très correct. Sur place, au guichet ce fut rapidement notre tour : "oui il y a de la place sur le vol du soir, c'est 2600 € par personne car vos billets ne sont pas modifiables". Impossible de prendre une telle décision sans rappeler l'assurance devant l'hôtesse (et c'est là qu'on explose notre forfait téléphone !) : IMA est d'accord : "ne vous inquiétez pas, nous vous rembourserons rapidement". "Ah OK, mais nous n'avons pas cette somme-là sur notre compte bancaire et de toutes façons le plafond de dépense hebdomadaire de nos cartes bleues n'y suffirait pas!" Mon interlocutrice convient que c'est à eux maintenant de trouver une solution.

Devant les bureaux de Vietnam Airlines, nous trouvâmes un taxi, mais avec un chauffeur à moitié aveugle qui ne trouva pas notre hôtel, ne brancha pas le compteur :  une belle arnaque, mais que faire ? Je surveillais notre avancée en essayant de nous repérer sur Google Maps.  Il nous fit descendre et nous demanda une somme beaucoup trop importante que nous payâmes, et là ... nous étions perdus. Le GPS n’était pas très précis, nous tournions en rond dans un quartier bondé et sale, je me sentais très vulnérable avec mon bras en vrac. Voici enfin quelqu'un parlant anglais qui très gentiment nous guida à pied : retour dans le havre de sécurité de l'hôtel. Il était midi, et nous attendions maintenant des nouvelles de l'assurance. Nous réservâmes une 2ème nuit car l'heure du check out était passée. Mark fit une excursion en ville pour trouver à manger, les émotions nous creusent et manger ça occupe... Hanoi est une ville qui nous a semblé repoussante : tellement polluée qu'on ne voit pas à 50 mètres, tout le monde porte un masque, ça grouille de partout et la circulation est chaotique !


A 15h, je relançai, toujours rien. A 16h : appel téléphonique de l'assurance : "Préparez vous à décoller à 21h pour Marseille via Istambul sur Turkish Airlines en business class". On saute de joie : ça y est, l'étape suivante va enfin pouvoir commencer : me soigner !

Dans les heures qui suivirent, nos sentiments furent partagés. Le film des chutes et du transfert jusqu'ici repassait dans ma tête en boucle. Mais je commençai aussi à mesurer le gâchis de ce voyage plein de promesses brutalement interrompu. Tant qu'on est en mouvement et en recherche de solutions, ce genre de pensée introspective ne s'impose pas, mais c'est maintenant une réalité : nous partons, nous quittons le Vietnam dans quelques heures avec un sentiment d'inachevé et de tristesse. Alors pour se rassurer, notre conversation tourna autour de "oui mais de toutes façons on n'a pas eu beau temps", et puis "on n'avait peut être pas choisi la bonne saison", ou encore "la Thaïlande c'était mieux". Affirmations totalement injustes envers ce beau pays que l'on a pas eu la chance de découvrir pleinement, mais ce qu'on a retenu c'est l'extraordinaire gentillesse et empathie des Vietnamiens. Immense gratitude envers tous ces gens qui nous ont croisé, souri, aidés.

Parallèlement, une autre musique commençait aussi à faire sa place dans ma tête : celle du "ça aurait pu être pire". Oui, c'est indiscutable : je suis tombée sur la tête et je n'ose pas imaginer ce que j'aurai pu faire comme peine à Mark si, sous ses yeux, ....

Via Istambul


L'excitation du voyage confortable à venir reprit le dessus et c'est assez joyeux que nous arrivâmes très en avance en taxi à l'aéroport d'Hanoi, ou nous fûmes directement installés dans le lounge business class. A partir de là, tous mes déplacements dans les aéroports se firent en fauteuil roulant, précieux coupe-file qui évite de marcher des kilomètres entre terminaux. Nous n'avions cette fois-ci que nos petits sacs à dos et un minuscule paquet compact qui réunit tous nos équipements vélo...
Le réveillon de Noël en business class fut une très belle expérience, il faut le dire. Nous fûmes chouchoutés et notre siège se transforma en lit dont j'essayai de profiter tant bien que mal. Arrivés à Istambul après 11h de vol, nouveau repos dans le lounge business où cette fois nous sommes transférés tous les deux en fauteuil roulant électrique : Mark n'aurait pu suivre à pied ! L'architecture de cet aéroport ultramoderne est absolument magnifique. Le dernier vol nous amena directement à Marseille en quelques heures où nous arrivâmes à 11h locales le mercredi 25 décembre pour retrouver notre Kangoo.

...puis à Gap


Après une halte pour une douche à la maison, nous nous présentâmes à 16h aux urgences de l’hôpital de Gap avec mes radios sous le bras. C'est Noël, il fait beau, les stations de ski sont bondées et les accidentés arrivent à la pelle. Mais j'ai le malheur de ne pas arriver en ambulance, donc je passe après, et après et encore après... et quand c'est mon tour il y a toujours un blessé qui arrive... A 21h, je commence à m'énerver un peu : je suis quand même blessée depuis 3 jours... Je n'ai toujours pas mangé car on ne sait pas si je vais être opérée ce soir ou pas.

Le lendemain, installée dans une chambre, on me promet une opération à la première heure, je suis prête à 6h mais il faudra finalement, après radio et scanner, que j'attende jusqu'à 17h : je suis à bout de nerf, amorphe, groggy avec parfois des sursauts de rage qui se calment bien vite. Il y a un seul chirurgien remplaçant qui fait un marathon de l'opération pendant 10 jours. J'essaie de ne pas m'inquiéter...

Enfin, je descends au bloc mais pour mon malheur, je me réveille un peu trop tôt  : je sens alors chaque vis dans mon os : un vrai cauchemar éveillé. J'entends l'anesthésiste qui donne des instructions, on m'en remet une dose et je repars dans les limbes. La suite fut sans doute tout à fait conforme à la normale : le lendemain au réveil, j'avais l'impression que mon bras droit pesait une tonne entre l’œdème et la quincaillerie (je lis sur le compte rendu : fracture de la tête de l'humérus, osthésynthèse avec 2 plaques et 7 vis), j'étais sous morphine pendant 36h : je ne sentais rien et je dormais tout le temps.

Mais la réalité me rattrapa en sortant le samedi matin pour rentrer à la maison : je constatais que mon coude n'aime pas du tout le contact ni avec un dossier, ni avec un matelas, ce qui rend la position couchée impossible, et le canapé bien inconfortable...  Mais le moral est bon : j'ai toujours la même petite musique entraînante dans la tête : j'aurais pu me faire beaucoup plus mal, j'aurais pu y rester, je ne suis pas seule, Mark s'occupe de moi, et il y a tellement pire dans la vie... Je suis en contact avec mon boulot où je vais bien manquer pendant les deux mois de pic d'activité mais j'ai des collègues formidables. C'est une aventure de plus et nous parlons déjà de nos futurs voyages et projets  : tout va bien, on continue !

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