Traversée de Lanzarote : 73 km en courant

Voici le cadre d'une course idéale : la traversée de l'île de Lanzarote du nord au sud, du port d'Orzola au port de Playa Blanca. C'est le genre de "course off" qui  n'est pas très compliquée à organiser : un moyen de transport pour l'aller et le retour, l'autonomie car les ravitaillements sont rares, le vent dans la bonne direction ... et l'envie de se lancer en solitaire pour une traversée d'une dizaine d'heures.

Depuis quelques semaines, bien avant notre arrivée, j'avais programmé cette course : Openrunner m'en donnait 73 km pour 1053 m de D+. Mon itinéraire est mixte, composé environ à 60% sur route et le reste sur piste. Restait à m'entrainer intensément, puis observer deux jours de repos complet et prendre le départ, ce que j'ai fait hier 28 décembre.

Orzola est à 30 km de notre lieu de séjour. Je quitte l'appartement un peu après 6h avec notre voiture. Il fait nuit noire mais c'est pleine lune ... magique ! Température 14°C, pas mal d'humidité, pas encore de vent. Je suis garée sur le port, Mark viendra chercher la voiture en vélo plus tard dans la matinée.

A 7h pile, je quitte le véhicule. Je porte un coupe vent et des manchettes que je garderai quelques heures. Mon sac à dos 12 litres contient une réserve d'eau de 2 litres et de quoi manger. Pendant les 18 premiers kilomètres, on passe de 0 à 600 mètres : pas la peine d'envisager de courir... en marchant ça va aussi vite ! Lever du soleil sur la mer un peu avant 8h, les derniers nuages s'effilochent sur les sommets, j'ai un bon rythme dans la première montée après Orzola. 

premiers rayons du soleil sur un jardin de cactus

Il y a quelques jours, nous avons repéré le chemin qui me permet de tracer droit vers Haria où commence la très belle montée en lacet vers le sommet de l'île, siège  des installations militaires de télécommunication, visibles de loin. A 9h30 je suis au sommet et maintenant cap sur Teguise à 14 km. Je cours sur le bas côté de la route, à l'abri des lignes blanches de bas côté généralement assez larges en Espagne.

Haria, le village aux mille palmiers

Teguise est un très joli village, plein de cafés et de boutiques artisanales mais je n'ai pas le temps de faire du shopping : je cherche à boire ! Pas de fontaines ni de robinets d'eau potable dans cette île où toute l'eau douce est fournie par une usine de désalinisation, elle a par conséquent un goût prononcé. Le 3ème bar sera le bon : j'en ressors avec une bouteille de limonade.  Pour sortir de Teguise, j'avais repéré un chemin que je crois être le bon. Après quelques kilomètres, je constate qu'il m'emmène droit sur un village au pied d'un sommet à 500m.

Derrière moi, Teguise

Je prends cette photo au vol, il y a plein de cars de touristes ici...

J'ai un doute sur le nom du village en question, ce que ne me confirme pas l'unique paysan interrogé (mon espagnol est-il si mauvais ?). Un bon quart d'heure d'errance dans ce village qui ressemble tant à tous les autres : maisons blanches et basses, ruelles en pente et pas âme qui vive... Je prends à droite pour enfin trouver une pancarte : j'étais à Tao et non pas à Tiagua qui se trouve à 2 km à droite. Dans ce village, je me ravitaille en limonade au petit supermarché et c'est reparti sur les petites routes vers Mancha Blanca , entrée du parc national des volcans.

Le parc national des volcans de Timanfaya est l'un des points forts de cette traversée : l'île de Lanzarote a littéralement explosé pendant les 6 années d'éruptions continues du XVIIIème siècle. Tout l'ouest de l'île est composé de cratères et de champs de lave noire où la vie biologique reprend petit à petit le dessus. Les plantes les plus coriaces pointent leur nez, en particulier des cactus. Mais cette année les fortes pluies de novembre ont permis au nord de Lanzarote de se couvrir de prairies toutes fleuries !
Rien de vivant ici, de Mancha Blanca à Yaïza sur 20 km, le paysage est noir, rouge, brun, ponctué d'excroissances monstrueuses, et les volcans se succèdent en pentes douces. La circulation est très règlementée dans le parc où il est interdit de quitter la route. Hormis les 3 centres d'attraction touristiques (la maison du parc, le départ des visites en bus et un campement de chameaux), le paysage est vierge et la route peu fréquentée.

C'est un trip très particulier que de courir au milieu des volcans, j'en rêvais depuis longtemps.C'est tellement génial que je pense plus à mes jambes qui sont déjà bien raides... J'entre dans le parc vers 13h30 et j'en sors à 15h45 en ayant épuisé mes réserves en eau depuis un moment déjà. Le vent est assez fort et de travers, parfois contraire, et je dois souvent tenir ma casquette d'une main.

En contact téléphonique régulier avec Mark, nous nous retrouvons à Yaïza où il arrive en voiture avec une réserve d'eau. Après quelques photos, il part rejoindre l'arrivée où il se gare et vient en marchant à ma rencontre. Il reste 15 km qui me semblent non seulement bien longs... mais surtout dans un paysage horrible : il n'y a absolument rien, c'est tout plat, très hostile, rien que le vent... J'ai un peu allégé mon sac en déposant des affaires dans la voiture, et j'ai juste ce qu'il me faut pour terminer. Dieu que c'est long quand c'est moche ! Je suis très sensible à mon environnement quand je fais du sport : j'ai besoin d'être dans un bel endroit, ça m'inspire ! Je progresse lentement, courant/marchant, et nous nous retrouvons enfin  : Mark refait en sens inverse avec moi les 6 derniers km sur une piste incertaine. Bavarder détourne mon esprit de mes bobos, j'ai les cuisses très douloureuses et j'ai du mal à tenir son rythme. 

Enfin la mer à l'autre bout et Playa Blanca n'a que ça à offrir... Ville du bout du désert, plantée dans le sable, mais avec un front de mer à casser la baraque : c'est splendide, aussi bien en ville que plus à l'est vers les fantastiques plages de Papagayo où nous sommes allés nager hier.

Voilà c'est fait, nous célébrons mon défi devant une bonne bière face à la mer : il m'aura fallu exactement 10h23 pour faire cette traversée... que du bonheur !

Les plages de Papagayo