Voyage au Japon


Août 2001
Lors de la préparation de mon voyage au Japon en août 2001, où la circulation des tandems est interdite, j'ai été obligée de me mettre au vélo. Cliquer ici pour lire l'extrait de mon article publié dans la revue mensuelle de la FFCT (prix "Charles Antonin du meilleur récit de voyage").

Voici d'autres extraits non publiés :

28 juillet 2001-19 août 2001
Ile de Honshu : Osaka - Nara - Kyoto - Kobe - ferry boat jusqu'à Beppu
Ile de Kyushu : Beppu - Shimabara - Unzen - Nagasaki - Takeshiho - Mie Machi
Ile de Shikoku : Iketa Cho - Omogo -Ikeda - Kochi
total : 1270 km

Au moment de réserver notre billet d'avion pour ce voyage en tandem au Japon, je choisis Osaka plutôt que Tokyo pour éviter au maximum la traversée de zones urbaines. C'est une nécessité quand on sait que les 123 millions de Japonais sont entassés sur 20 % de leur territoire, tant les montagnes occupent une vaste proportion. La conséquence directe en est que les villes sont réellement tentaculaires.
Dès février, alors que je me documente sur l'état des routes et de la circulation, j'apprends via le site internet de la FFCT locale que la circulation des tandems est strictement interdite sur le réseau routier japonais. Heureusement, il reste quelques mois avant le départ, le temps de s'acheter un vélo et de commencer l'entrainement.
Atterrissage à Osaka le 28 juillet 2001 après une nuit (blanche) de voyage. Dès l'aérogare d'arrivée, une fois nos vélos récupérés, alors que nous installons nos sacoches, deux équipes de policiers nous interpellent successivement pour nous informer qu'il ne sera pas possible de quitter l'aéroport en vélo : l'autoroute leur est interdite, il n'y a pas de piste cyclable. Direction les taxis et nous prenons place à bord d'un taxi-jumbo avec nos vélos. Dialogue de sourd avec le chauffeur : nous ne souhaitons pas aller au centre ville, mais à la sortie d'autoroute qui donne accès à la route nationale que j'ai repérée sur l'atlas routier bilingue au 250 000ème qui ne nous quittera pas de tout le voyage. Les problèmes de communication ne font que commencer... il nous débarque au milieu d'un noeud autoroutier impressionnant, heureusement, les automobilistes semblent patients et courtois.
Mais tout d'abord, quelques impressions. Dès le premier contact avec le sol japonais, un vrai choc pour mes oreilles : le chant des cigales semble sortir d'énormes amplis, c'est assourdissant, et les cigales, quand on peut les apercevoir, sont énormes, de la taille d'une petite souris. Autre premier contact ineffable : la chaleur. C'est comme au hammam, sauf que l'air est plus transparent : 40 à 42 ° quotidiennement, taux d'humidité 70 %.
Premier objectif de voyage : Yoshino. J'avais repéré sur la carte ce village d'altitude à moins de 100 km d'Osaka qui ferait une très bonne première halte raffraichissante.
Nous avons quitté cette interminable banlieue (2,5 millions d'habitants) dont l'urbanisation désordonnée offre un tableau disparate : succession d'immeubles de grande hauteur, de petites constructions de bric et de broc, de rizières, de terrains vagues : les villes sont constituées d'étonnants contrastes.
A l'approche des collines, le paysage s'éclaircit laissant place aux cultures de thé vert et aux rizières. Elles dégagent une drôle d'odeur saumâtre quand le feu du soleil fait croupir l'eau. A cette époque de l'année, la deuxième pousse est à encore un mois de la maturité, et les longues feuilles forment un écrin vert profond qui s'étend loin à l'horizon. Mais parmis toutes les cultures traversées, celles de thé vert sont les plus agréables à l'oeil : longs buissons taillés qui s'enroulent sur les coteaux jusqu'à perte de vue.
L'autre réalité qui allait nous accompagner tout au long de ce voyage fut la cohabitation avec les voitures qui, au Japon, roulent à gauche. Des files interminables de véhicules au look futuriste qui semblent glisser sur des tapis roulants. Ici les distances se calculent en heures et pas en kilomètres. Le dépassement est interdit partout et la conduite est toujours calme, même au ralenti.
Notre itinéraire, improvisé sur le terrain, nous fit traverser trois des quatre principales îles du Japon : Honshu l'urbaine, Kyushu la volcanique et Shikoku la rurale.
A Honshu se trouvent les principaux centres d'intérêt culturels : Kyoto, ses villas impérales et ses jardins somptueux, Nara, l'ancienne capitale culturelle du Japon et ses temples, le Musée Miho et tant d'autres trésors.
La richesse des villes doit beaucoup aux générations d'Empereurs qui se sont succédés et ont rivalisé pour laisser le plus beau derrière eux. Aux côtés des parcs impériaux entourant des résidences somptueuses figurent les splendides maisons de thé. Ce sont de sobres pavillons de bois ouverts sur l'extérieur où on imagine que la vie devait être belle pour le peuple bien né. En revanche, il reste peu du passé du peuple laborieux de ce pays qui en tant fait subir aux autres. Reste dans cette jolie vitrine superficielle un art décoratif délicat qui se transmet avec une réelle aptitude à dompter le végétal. Le moindre arbre dans un parc, un jardin ou le long d'une rue en ville est taillé, on lui enlève ses excroissances, ses branches mortes, ses feuillages superflus et jaunis, on dompte son écorce, on ceint son tronc abîmé d'un bandage aux onguents mystérieux et , éventuellement, on place une béquille sous un rameau affaibli. Le même soin est apporté aux plantations florales, aux étangs parsemés de lotus, aux jardins "zens" revêtus de petits cailloux blancs et aux jardins de mousses.
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(installation à l'hôtel, suite)
Après le corps, on soigne l'estomac et c'est toujours un grand moment au Japon. Première épreuve : caser ses jambes en tailleur sous la table basse, avec un coussin filiforme sous les fesses. Inutile de préciser qu'après une journée de vélo, ce n'est pas la position préférée... Pour moi qui ne suit pas vraiment souple, c'est une gageure de rester ainsi toute la durée du repas, mais on peut aussi choisir la position "amazone" plus élégante mais encore moins tenable...
Le repas est un enchantement. Il est composé en moyenne d'une dizaine de plats différents, en petite quantité dans une vaisselle aux couleurs et motifs extraordinaires : légumes marinés, poisson fumé, cuit ou cru, viande séchée, froide, en sauce, à griller soi-même sur un brasero ou à cuire dans un bouillon très chaud, petites brochettes, riz, soupe miso avec bouillon aux herbes et carrés de tofu (fromage de soja), omelettes, algues, sushis et mille autres mets mystérieux. Le tout à la baguette ... A retenir aussi : le petit déjeuner ressemble beaucoup au dîner, et les plats sucrés sont rares. Seules les bouchées à base de pâte de haricot rouge peuvent être classées parmi les desserts ou sucreries.
Pour illustrer les bizarreries de la table, voici mon plus beau fou rire : petit déjeuner dans un hôtel de la presqu'île de Shimabara (Kyushu). Parmi les mets disposés sur la table, un oeuf. Réflexe occidental : le tapoter sur l'arête de la table pour l'écaler. Mince, c'est un oeuf cru dont le contenu se répand sur mes genoux....
J'ai dégusté des mets savoureux en sachant rarement de quoi ils étaient composés : marinades de légumes et de racines, prunes salées à la saumûre, friture de minuscules alevins, flans et beignets de toutes sortes appelés tempura. Les restaurants de poisson offrent la possibilité de choisir son menu dans un aquarium. C'est ainsi qu'à Osaka, attablée à un bar face aux cuisiniers, on me servit un poisson cru qui, tranché à l'arête, bougeait encore dans mon assiette.
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(A Honshu)
L'arrivée à Kyoto est vraiment difficile à travers 50 km de zone urbaine, sur des routes à 5 voies, souvent très pentues, hyper encombrées, 40 ° plein soleil, pas un arbre. Mon compagnon et moi nous suivons de très près, le pire serait de se perdre de vue, nous n'avons qu'un téléphone mobile. Ce trajet, ainsi que celui de Kyoto à Kobé (100 km de zone urbaine en 8 heures) furent nos pires moments. Mais il faut sougliner l'esprit de civilité, de courtoisie, de tolérance des Japonais : jamais un klaxon, jamais un dépassement dangereux (d'ailleurs les lignes pointillés n'existent pas sur les routes), ni un signe d'agacement pourtant nous en avons doublé et gêné du monde sur ces routes étroites et encombrées ! Plusieurs fois, des automobilistes nous ont passé des boissons fraiches, un gâteau ou un paquet de chewing gum avec un regard de compassion...
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(A Kyushu)
Les paysages sont somptueux : enfilade de collines pointues et boisées, panaroma côtier digne de notre Côte d'Azur. Le Japon est un pays de contrates et c'est à la campagne qu'on en prend plein les yeux. Des couleurs à couper le souffle : le ciel azur provençal, la forêt où toutes les nuances de vert s'expriment, et la mer, plus bleu foncé que turquoise, forment un camaieu inégalé, d'une intensité profonde.
L'esthétique aide à rester zen. Et du calme il en faut quand il est impossible de trouver sa route dans le dédale des panneaux en kanji, quand on tourne en rond dans une ville dont on ne trouve pas l'issue (ou toujours la mauvaise). Sur le dessus de ma sacoche guidon, je trace en gros les kanji qu'il nous faut repérer dans la journée pour trouver notre route.
De manière générale, le réseau routier est en parfait état. Il est rare que la chaussée soit dégradée et toutes les routes en zone urbaines sont bordées de larges trottoirs sur lesquels on peut parfois rouler. Les routes de campagne sont idéales pour le vélo car très peu fréquentées : les Japonais se déplacent beaucoup en ville mais, ayant peu de temps libre, ils ne vont pas beaucoup à la campagne. Ni le milieu rural ni la mer ne sont des centres touristiques au Japon, il n'y pas d'infrastructure touristique et le bain de mer n'est pas à la mode ( d'ailleurs on fait tout pour ne pas bronzer... c'est ainsi qu'on voit des dames aux ombrelles et gants longs partout ! ). Conséquence à la campagne, c'est calme et désert. Les Japonais vont tous aux mêmes endroits : parcs à thème et villes culturelles où les monuments sont pris d'assaut. Les temples et châteaux, entourés de jardins très soignés sont magnifiques, bien que très restaurés. En effet, les tremblements de terre, typhons et autres incendies font que les constructions ne sont pas faites pour durer au pays des traditions millénaires.
La campagne, c'est le désert à tout point de vue : pas de café, pas d'hôtel, peu de restaurants, peu de villages. Mais heureusement on ne peut pas mourir de soif dans ce pays et, vu la chaleur, c'est très important : il y a partout dans le pays des distributeurs automatiques de boissons, froides et chaudes. Plus nombreux que les cabines téléphoniques, que les magasins, parfois en colonne de cinq ou six appareils, souvent au milieu de nulle part, au détour d'un virage, dans le plus petit des hameaux et bien entendu toujours en état de marche et plein à la gueule : c'est le bonheur du cyclo ! Une petite pause à l'ombre de ces gros frigos, quelques piécettes et un choix pléthorique de café ou thé au lait glacés, boissons chimiques fluo, cocas et autres bizarreries que j'ai testées sans crainte.
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Le mont Aso
Après avoir traversé la région des volcans et grimpé le mont Aso à 1280m. De là, un téléphérique emmène les fainéants (j'en fu, mais mon compagnon préféra la route à 20 % sur 2 km) pour aller au magnifique cratère, lac bleu cobalt, fumant, bouillonnant qui nous envoie ses volutes souffrées. Descente rapide ensuite sur Kumamoto tout en admirant la plus grande caldera du monde, 12 km de circonférence.

Extrait du carnet de route :
Jeudi 9 août - distance 61 km, Av 17km/h, D+ : 943, 28 °, pluie.
Départ du site d'Unzen à 8h45 et descente dans la brume et la pluie fine vers Obama (oui oui, OBAMA), petite station thermale située dans une magnifique baie, où l'on cultive des perles. Nous sommes dans la préfecture de Nagasaki.
Nous nous dirigeons vers Nagasaki et empruntons une petite route côtière. Hélàs le ciel est menaçant, le plafond très bas et l'orage éclate. Une pluie violente nous oblige à nous réfugier dans un abribus, debout sur le banc tandis que les vélos et sacoches restent mal protégés. Durée de l'épisode : 45 mn. Nous reprenons notre route mais les averses se succèdent et achèvent de nous tremper. Je crève deux fois de suite.
Arrivée Nagasaki, ville désordonnée et peu accueillante où nous avons l'opportunité de faire connaissance avec un Japonais francophile patissier, marié à une Française, Bérénice.
En fin de journée de ce 9 août, 56ème anniversaire du bombardement atomique, nous nous rendons sur le site du mémorial de la paix où se trouve un musée consacré à ce terrible événement de la seconde guerre mondiale.
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Dimanche 12 août - 92 km, average 16.5, D+ 1600, 34 ° max
Beau temps. Détour par des gorges où nous avons les pires difficultés à trouver notre route, plus d'une heure d'errance. Enfin nous trouvons la vallée d'Hinokage Rive, magnifique petite rivière enserrée entre deux montagnes couvertes de pins. Quelques hameaux et rizières plus loin, nous commençons l'ascension du Sugikago Pass qui culmine à 830 m. Nous traversons un immense tunnel sans aucune lumière et sans circulation non plus... et retrouvons la Mitate Valley. Descente prudente et nous rejoignons la grande route pour aller à Mie Machi après avoir traversé 7 tunnels dont celui du Mikuni Pass. Installation au très confortable et accueillant minshuku de Mie Machi. Agréable dîner très copieux.
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Mercredi 15 août - 154 km, average 18, D+ 1310, 37 ° max
Départ d'Omogo à 5h30, ciel dégagé. Nous empruntons la route payante (encore fermée à cette heure matinale, il faut porter les vélos au dessus d'une barrière) d'Ishiguzi Skyline qui s'élève sur 18 km et offre d'admirables points de vue sur la vallée d'Omogo. Les panneaux indiquent que la priorité est aux singes et aux sangliers. Nous restons vigilants. Hélàs nous n'en rencontrons aucun, mais les cris bizarres entendus confirment que nous ne sommes pas seuls. Nous atteignons le sommet à 1450 m où nous jouissons d'une vue admirable sur tous ces sommets recouverts d'une épaisse végétation de pins, de bambous et d'érables. La descente s'amorce à travers le parc du Ishushuzi San. Mon compagnon chute et heurte une voiture, heureusement sans gravité, son compteur est HS. Magnifique descente très dangereuse, la route est défoncée et étroite, toute en épingles. 2ème chute pour Yves, quelques éraflures.
Nous reprenons notre route le long de la rivière Yoshino (encore un Yoshino !), qui devient vite un lac artificiel. Paysages peu agréables en cette saison de sécheresse, les niveaux sont bas. Un orage éclate quand nous abordons les gorges, nous gâchant un peu le spectacle. Nous arrivons à Ikeda, éprouvés par cette journée et nous installons pour deux nuits dans un petit minshuku familial. Après le dîner, tous les pensionnaires de l'hôtel, et nous avec, partons ensemble en taxi pour le festival de danse d'Awa Ikeda, en ce jour de fête de O-bon (ferié). Danses populaires au centre ville, spectacle coloré et amusant, marquant le retour des âmes des défunts parmi les vivants, sorte de Toussaint.

Jeudi 16 août - km 55, av 16
Jour de repos. Nous décidons de faire une petite boucle le long de la rivière Awa. Route admirable s'élevant au dessus de la rivière, de forêts de pins puis de bambous, quelques cascades. Nous faisons une halte vers les sources chaudes d'Iya Onsen où nous descendons en funiculaire vertigineux dans des bains publics mixtes : nous sommes comme des petits Alka Selzer dans l'eau, notre peau fait des bulles ! Nous repartons pour une seconde halte balnéaire à l'hôtel Kazura Bashi où nous profitons des installations luxueuses et d'un bain mixte en plein air, dans un paysage alpestre. Un grand moment.
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Commentaires

  1. Bonjour,
    Pour les prochains qui passeront par votre blog je tiens a signaler que le tandem n'est en fait pas interdit c'est juste une formulation de la loi un peut spécial...
    Nous avons fait un trip de 5 semaine en Tandem.. sans se faire arretté nous avions un peut paniqué en ayant eu cette infos comme vous mais renseignement pris en fait c'était bidon...

    Sinon vous avez du faire un beau voyage (quel distance, avec ces montagne là-bas ce n'est pas évident), dommage qu'il n'y ai pas de photo...


    Bonne route :)
    www.blog.clementfontaine.fr

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