Itinéraires croisés

Mark et moi avons passé la journée à évoluer dans le même territoire :: lui dans les airs, moi sur mes deux roues. Nos itinéraires se croisent, se recoupent, se suivent simultanément. Pendant l'action, nos pensées respectives sont à notre activité. Je ne passe pas ma journée à surveiller le ciel pour le guetter. Il m'arrive, sachant que Mark est en vol, de regarder les nuages sur les sommets, sans plus. Autant les planeurs sont repérables grâce à leur envergure, les deltaplanes en transition sont rarement visibles au dessus de 1000 m d'altitude, et si on les voit tourner avec les parapentes dans les thermiques ce n'est pas un spectacle très intéressant.


Au programme aujourd'hui : pour moi le BRM 200 km organisé par le Club Cyclo de Gap ,c'est prévu depuis longtemps. Pour Mark en revanche, le programme se précise le matin vers 10h en consultant la dernière météo du ciel et ce sera finalement un décollage du Chabre (commune de Ribiers, sommet limitrophe entre Ribiers et Laragne).

Anne, départ 7h00 de Gap pour 200 km de vélo
Lever sans peine à 5h : je suis impatiente de commencer ma journée de vélo.  Ce BRM de 200 km (Brevet des Randonneurs Mondiaux, qualificatif pour PBP Paris-Brest-Paris fin août)  est le premier de l'année à Gap. Lui succèderont les BRM 300, 400 et 600 km, entre mars et juin. Ces brevets, organisés partout en France, servent  à "sélectionner" les candidats à PBP (la série complète est obligatoire) et les préparer  à rouler chargé, jour et nuit. En ce qui me concerne, aucune ambition pour PBP. Je vis dans le sud de la France depuis 10 ans maintenant et je répugne à rouler au nord de la Loire : question pluie, j'ai déjà bien donné.  Et j'aime les montagnes par dessus tout. Nous avons testé ce type de randonnée l'an dernier sur le 1001 Miglia, ce fut une belle première et -sans doute- dernière expérience.
Nombreux sont les cyclistes qui font les brevets juste pour le plaisir, sans ambition, c'est mon cas. Et il y a plusieurs façons de les faire, les délais étant très longs. On peut partir dans les derniers (la fenêtre de départ dure une heure) et rouler à fond ; ou partir dans les premiers, prendre son temps et profiter des ravitaillements et du paysage ; ou encore, partir dans les premiers et rouler seule comme en course contre la montre, ce qui fut mon choix aujourd'hui. Ceci pour dire que l'ordre à l'arrivée n'a aucune signification : selon son heure de départ et le fait d'avoir ou non roulé en groupe, tout est différent.
Seule compte la propre satisfaction tirée d'une longue sortie en vélo, qui permet de tester son niveau d'entrainement en cette fin mars, et son équipement.
Pour ma part, je testais aujourd'hui mes nouvelles roues, et elles sont vraiment au top ! J'en tire -il me semble- grand avantage. Je testais aussi mes douleurs musculaires et  le bilan est assez négatif : toujours de fortes douleurs autour de la hanche : origine et traitement inconnus. Mais ça ne m'empêche pas de rouler fort.

Le parcours est facile, ce sont nos routes habituelles : Gap - La Saulce - Laragne - gorges de la Méouge - col de Mévouillon - Col de Peyruèrgue - Col de Soubeyrand - Rosans - Col de la Saulce - Serres - Veynes - Gap. 2200 m de dénivelée : c'est l'un (ou le ?) BRM 200 avec le plus de dénivelée, nous sommes dans les Hautes-Alpes, il faut bien mériter son nom ! 
Je pars dans le premier groupe, nous sommes 5, il est 7h02. Bizarrement, nous avons fait 1 km dans Gap que je suis déjà seule, plus personne à l'arrière et cela va durer 45 km...  Température : + 3°, j'ai les mains gelées et pour longtemps. Avant Laragne, un groupe de 4 me rattrape. Ne souhaitant pas rouler accompagnée, je ne prends pas de roues, mais nous avons la même allure alors c'est un peu compliqué à gérer. A la première bosse, ils me lâchent et c'est très bien.
Les Gorges de la Méouge, faux plat montant de 35 km, sont avalées dans la fraîcheur, et un groupe de 15 me rattrape, quelques mots sont échangés.
Ravitaillement et pointage avant Séderon avant 10h, c'est le moment d'enlever les vêtements chauds. Les 50 km qui suivent sont magnifiques : entre champs de lavande et abricotiers en fleur, la Drôme profonde et rurale nous accueille. Les voitures se comptent sur les doigts d'une main. Les trois cols qui viennent passent bien, pas de surprise, je suis en terrain connu. 
Retour dans la vallée roulante, mais il n'est pas facile d'atteindre Rosans et son ravitaillement. Je serre les dents et j'y arrive enfin : un repas pantagruélique est proposé, je ne le regarde même pas. En d'autres circonstances cela aurait été un plaisir mais si je mange je ne repars plus... j'en ai une longue expérience. Les ravito pour moi, c'est pour refaire les bidons et  picorer un peu. 
Je me remets en route, deux cyclistes sont devant moi, l'un parti à 7h, l'autre à 8h. Nous roulons séparément. Je ne les reverrai pas avant l'arrivée. J'adore la route entre Rosans et Serres, de vraies montagnes russes, ça monte, ça descend, large route, personne, c'est superbe. Je passe Serres, Veynes, je connais tout ça par coeur, mais j'appréhende la dernière montée vers la Freissinouse qui se dresse à près de 1000 m d'altitude, le plus haut point de notre parcours, juste avant Gap. Tout est question d'impression et d'expérience, j'ai peur de cette portion de 12 km avant la descente sur Gap parce que j'y ai déjà laissé des plumes en fin de parcours, mais ce n'est pourtant pas grand chose pris individuellement. Mon chemin rejoint celui de 5 cyclistes de Gap en sortie hebdomadaire, encore frais, qui m'emmènent vers le sommet. J'ai plaisir à bavarder avec eux et cette montée passe facilement, le vent dans le dos.
La dernière descente sur Gap est toujours un grand moment : à fond, double voie, virages larges, on freine à peine, c'est très rapide. 
J'arrive 3ème au Gymnase Lafaille à Gap, et c'est une grande satisfaction pour moi : j'ai bien géré mon effort, je me suis arrêtée 11 minutes au total, j'ai roulé 7h57 pour 24,7 de moyenne sans aide, sauf sur la dernière montée, c'est pas mal du tout.
Mais ma journée ne s'arrête pas là. Puisqu'il est encore tôt, je vais voir où peut se trouver Mark,et me rends en voiture à  l'atterrissage de Laragne (au camping). Juste avant d'arriver, je lève le nez et je le vois ... son aile est rouge et il a un stabilisateur à l'arrière, très reconnaissable, il est en approche... Je me gare, me positionne avec mon appareil photo près de la manche à air, et voici le résultat :





Mark, vol à partir de Laragne
Ma nouvelle aile delta très performante, Aeros Combat, exige un entrainement régulier. Voler sollicite beaucoup les muscles des bras et du dos. C'est comme pour le vélo, il faut faire des sorties moins longues au début pour préparer le corps à des vols plus longs plus tard dans la saison. Le niveau de concentration nécessaire est également énorme pour analyser tout ce qui se passe dans l'air et évoluer en sécurité.
Ce samedi était une très bonne  journée avec des ascendances qui montaient à plus de 3000 mètres. En partant de Laragne-Chabre (alt. 1300) avec un vent météo quasi nul, j'ai pu faire un circuit d'une cinquantaine de kilomètres en passant par Saint Geniez, le pic d'Aujour, l'est de la Durance vers la Motte du Caire et retour. J'ai culminé à 3000 m, zéro degré, bonne visibilité. Mais sans nuages,  j'ai moins d'indications sur les thermiques. Ce sont des endroits que je connais par coeur, pas besoin d'une carte ni de GPS pour ce type de vol... J'ai eu le plaisir de voir Anne à l'atterrissage en train de me photographier, alors que je pensais qu'elle était encore en route...




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