Route des Crêtes de Tende, épisode 1 & 2

Voici des mois que nous attendions le moment propice pour parcourir en VTT  cette route panoramique sur les hauteurs de Tende (06) : la météo instable des dernières semaines avait différé plusieurs fois ce projet. 
Jeudi dernier, les prévisions sont toujours mitigées mais nous nous décidons à partir quand même. Tende, à 800 m d'altitude, ce n'est pas la porte à côté, même quand on habite la région PACA ! A l'extrême sud est de la France, l'accès se fait soit par Nice au sud, soit par Cunéo (Italie) au nord. C'est une totale découverte pour nous et l'arrivée en voiture par le Col de Tende par la route nord est splendide. Nous nous installons au camping municipal overbooké pour trois nuits assez difficiles...

Tende : un petit air de ville tibétaine ?
La frontière franco-italienne est truffée de places fortes militaires,  forts et camps retranchés édifiés à partir des années 1870 qui occupent des situations stratégiques. Plus ou moins bien conservées, leurs voies d'accès existent toujours et ces "routes blanches" non revêtues sillonnent les massifs de Briançon jusqu'à la Mer Méditerranée. Elles permettent l'accès à de très nombreux cols, souvent situés à plus de 2000 m d'altitude, qui ne requièrent pas de pilotage trop technique en VTT.

Le Fort Central vu du Col de Tende
Le Club des Cent Cols publie un Topo Guide très détaillé de l'itinéraire des Crêtes de Tende qui totalise environ 150 km pour 30 cols étagés de 1430 à 2235 m. Nous choisissons de découper ce circuit en 3 tronçons plus ou moins équivalents : les crêtes de l'ouest en circuit au départ de Tende, les crêtes du sud-est en aller-retour depuis Tende, les crêtes du nord-est en aller retour depuis le Col de Tende (où nous prévoyons de monter en voiture). Pour éviter des aller-retours, les deux derniers tronçons peuvent être fusionnés, mais c'est alors un parcours d'une centaine de kilomètres, sans possibilité de ravitaillement.
La montée du col de Tende

Jour 1 : Crêtes de l'ouest
Dès l'arrivée au camping le soir précédent, nous déployons notre savoir-faire logistique : Mark au ravitaillement, Anne à l'itinéraire. Ce sont deux points essentiels.
Nous allons brûler chacun environ 3500 calories sans aucun espoir de ravitaillement en route, il ne s'agit pas de se trouver à cours de solide ou de liquide ! Mark est expert dans l'évaluation des besoins et la préparation qui représente une bonne heure de travail : nous partons avec 5 litres de boisson énergétique et des tonnes de sandwiches.
En VTT, l'orientation est un gage de réussite, il ne s'agit pas de se perdre surtout que les "passants" sont rares :  j'ai bien assimilé avant de partir tous les récits que j'ai pu trouver sur internet concernant ces parcours, les itinéraires sont étudiés et tracés sur IGN. Ce qui n'est pas si simple car plusieurs cols sont listés sur le Topo Guide, mais pas sur la carte... Dans ma frénésie, je repère sur la carte un Col. de Vac. inattendu, tout près de la route ! Mais après étude sérieuse de la carte, il s'avère qu'il s'agit d'une "Colonie de Vacances"...

Coucher tôt, lever tôt : nous sommes à 7h30 sur nos VTT. L'avantage des Alpes Maritimes c'est, comme leur nom l'indique, l'influence maritime et la brise de mer qui radoucit l'atmosphère même en altitude.
Premier objectif : le col de Tende à 1871 m. Le passage routier se franchit à 1270 m dans un tunnel de 3 km à sens unique dont l'emprunt est interdit aux vélos. Il marque la frontière franco-italienne et est goudronné sur le versant italien. C'est l'un des plus beaux cols qui soient : les premiers 5 km se font en épingles sur une large route nationale et à l'entrée du tunnel  notre itinéraire VTT commence sur une piste partiellement goudronnée au début.

Nous rencontrons à cet embranchement Ivano Vinaï, organisateur de la Superrando, que nous avons côtoyé sur plusieurs épreuves. Comme tout Italien, bien que parfaitement francophone, il joint le geste à la parole pour nous expliquer qu'il n'aime vraiment pas ce vélo avec lequel il se rend de Cunéo vers le sud de la France.

La partie muletière du col de Tende est spectaculaire : 48 lacets avec une arrivée vertigineuse, 8 km pour 800 de dénivelée. Mais c'est tellement beau qu'on en oublie la difficulté. Pendant la première moitié de notre parcours, il restera visible alors que nous serons déjà loin. Ce fut un point de passage très emprunté pour le commerce du sel et son histoire est absolument passionnante.
Les 48 lacets (ils sont numérotés) du col de Tende

Arrivés au col, nous prenons à gauche et sortons de la large piste par la droite pour trouver un sentier en aller retour qui va nous permettre de franchir le col de Pernante (1878m)  et la Baisse de Peru (2079m). Sur du single track assez roulant, nous traversons d'abord une étonnante futaie puis longeons un impressionnant d'un ravin, cette fois sur l'est de la crête.



Au fort de la Marguerie à 1840 m, nous faisons une pause et Mark en profite pour me faire visiter... C'est un énorme bâtiment rectangulaire battu aux quatre vents avec des corridors sombres et de nombreuses cellules  : on finit par s'y perdre ! Pas de quoi vraiment paniquer mais notre problème pour trouver la sortie semble lié aux différences de niveau : nous traversons les douves, escaladons des paliers, descendons des escaliers sombres : Mark "Gyver" sort sa lampe frontale de sa poche et nous sommes sauvés !

Dans les alpages environnants, je fais une précieuse découverte : des Edelweiss ...
... et des champs d'Immortelles
Nous repartons en montée, toujours sur de larges pistes et longeons de nombreuses ruines militaires ainsi que d'anciennes casernes qui semblent assez bien conservées. Un détour s'impose pour aller cueillir le col de Baisse de Barchenzane à 2075m, que nous trouvons assez facilement. Environ à environ 1 km de la piste sur la droite, l'accès en est assez roulant même s'il m'arrive de marcher un peu à côté de mon vélo quand la montée sur un revêtement caillouteux se fait trop périlleuse.



 Toujours en montant, nous franchissons la Baisse de Peïrefique à 2030m puis la Baisse d'Ourne à 2040 m.

 En contrebas, nous aperçevons le village de Casterino, point d'accès vers la Vallée des Merveilles dans le Parc du Mercantour.
 Nous avons encore un dernier col à aller chercher : celui de Megiana à 1759 m. Il est sur une piste en cul de sac, nous choisissons de rester sur notre piste initiale et de remonter vers lui au point d'altitude 1733. Ici la forêt est exploitée et nous traversons d'énormes chantiers de coupe. Le parcours se termine inévitablement par quelques kilomètres de descente, par une route vertigineuse qui surplombe Tende. Les virages sont très serrés et le précipice à quelques mètres sans aucune protection, je mets le pied à terre plus que nécessaire. Il pleut un peu mais fort, juste le temps de mettre le K-way.
Le bilan de cette première journée est très positif : 54 kilomètres, 7 nouveaux cols dont 4 à plus de 2000 mètres, durée du parcours arrêts compris : 6h30, et environ 1700 mètres de dénivelée positive (ci-dessous le dénivelé indiqué par Openrunner est totalement exagéré).

Jour 2 : Crêtes du sud-est
Le départ est tout aussi matinal et les vélos chargés à bloc. Notre circuit d'aujourd'hui nous amènera de Tende à La Brigue au col de Saccarel, point le plus haut, en aller retour. Nous avons remarqué en étudiant la carte qu'entre Tende et la Brigue il y a deux cols muletiers accessibles par une piste. C'est donc notre première montée du matin ... et notre première descente à pied vers La Brigue puisque le single track, pourtant intégré à un parcours VTT, est "acrobatique".

Le village de La Brigue est splendide, comme un décor d'opéra avec ses placettes et ses maisons colorées. Dans la vallée, les habitants semblent tous être bilingues et beaucoup d'Italiens fréquentent ces lieux.


A partir de La Brigue, il y a deux possibilités pour joindre le col Linaire (1430m) par la piste, nous choisissons cette de la "Route de l'Amitié" dont le revêtement est malheureusement fait de gros cailloux difficiles à rouler. C'est très raide, les lacets s'enchainent et on n'en voit pas la fin. Mettre le pied à terre m'impose des redémarrages très difficiles tant le dénivelé est important. Mark enfile cette montée avec souplesse. Le VTT demande de la puissance et de la finesse de pilotage, qualités dont je manque... mais bon, le principal c'est que ça passe, même s'il faut marcher un peu.
Le balisage est très bien fait : les itinéraires français (panneaux de bois) et italiens (en rouge et blanc) ainsi que les balises IGN (ici 271) permettent de se situer régulièrement sur la carte
Ce col se fait vraiment désirer... Une fois celui-ci atteint, nous sommes alors sur un itinéraire de montagne très prisé des véhicules motorisés, mais il n'y a pas foule et  la cohabitation se fait très bien, tout le monde se salue. Cette large piste suit le tracé de la frontière franco-italienne et nous cheminons en montée par une enfilade de cols : Baisse de Sanson est, puis ouest, Colle Ardente, Baisse des Fraches, Col de la Lariée et enfin Pas de Tanarel à 2045 m.

Nous sommes ici toujours sur le versant français
Dans le Col de la Lariée (1956), le Pas de Tanarel est au bout

Le Pas de Tanarel est un "carrefour" routier : à l'ouest on peut poursuivre l'itinéraire pour faire les Crêtes nord-est, en face on descend vers l'Italie, à l'est nous allons jusqu'à la Statue du Rédempteur pour glaner encore 2 cols : le Pas de Basera (2041m) et le Pas du Saccarel (2145m).
Sur le Pas de Tanarel, une infirmerie pour les moutons en alpage
Au Pas de Saccarel, le vent est très violent et les nuages remontent du sud
Derniers cols avant la Rédemption
Avec seulement 35 km au compteur, mais déjà 11 cols dans les pattes, nous faisons demi-tour et repassons, parfois en remontant, 8 d'entre eux. Nous restons sur l'itinéraire VTT pour le retour vers La Brigue ensuivant Notre Dame des Fontaines. Cette descente est interminable mais le revêtement est meilleur qu'à l'aller, les virages se passent un pied décroché la jambe à l'extérieur, comme en moto. Les petites bosses se franchissent debout bien calé dans les pédales automatiques, c'est très fun quand on maîtrise la technique !

Journée très réussie: 75 kilomètres pour environ 2300 m de dénivelée, 11 cols dont 3 à plus de 2000 m,  durée totale 9 heures.


Jour 3 : Crête du nord-est
Encore une soirée de labeur à préparer l'équipement du lendemain, tout est prêt pour une journée qui s'annonce avec 13 cols dont 10 à plus de 2000 m, toujours sur la frontière franco-italienne, au départ du Col de Tende monté en voiture côté italien.
Malheureusement, nous sommes réveillés à l'aube par une forte pluie qui ira s'amplifiant dans la journée. A l'heure où nous aurions du partir, nous voici donc à démonter la tente et lever le camp. Météo France, consulté la veille, ne prévoyait pas de telles pluies si tôt. Voici donc une nouvelle excursion remise à un autre jour...

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Question technique, Mark a fait beaucoup de progrès depuis ses débuts en VTT il y a quelques années : 

(photo truquée)

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