Ascension pédestre de La Bonette : en état d'apesanteur

Week-end spécial hier : nous sommes en Ubaye. Spécial, parce que c'est toujours un moment particulier pour nous d'aller en Ubaye : j'ai tant de souvenirs ici, aussi bien sur le plan sportif que personnel. Et à chaque fois, nous regrettons de ne pas nous y rendre plus souvent... nous ne sommes pourtant qu'à 1 heure 30 de route.

Mes années cycliste
Entre la Bonette et moi, une longue histoire cycliste : je l'ai gravie 23 fois (c'est noté dans mes petits carnets!). La première en 1998 avec Yves -aujourd'hui décédé- alors que nous formions un couple pas ordinaire sillonnant les Alpes en tandem chargé de tente et bagages. 180 kilos à hisser sur des dizaines de cols, de grands voyages à l'étranger et notamment 2 traversées intégrales des Alpes : nord-sud par la route des Grandes Alpes, et ouest-est de la Suisse à la Méditerranée. Pour moi, à l'époque fumeuse et en surpoids, ces sorties de l'été constituaient un vrai défi physique... c'est peut être ce qui m'a forgé le mental. Cette première Bonette nous avait pris environ 6 heures, avec multiples arrêts (pour comparer : en vélo de course mon meilleur temps a été 2h15). Sur notre tandem, j'étais le pilote et pas peu fière!
Ensuite avec Mark, pendant nos années de compétitions, ce furent 4 ou 5 "Bonette" par an, parfois les deux versants dans la journée, ou enchainée dans Défi des Fondus de l'Ubaye (7 cols) ou la Superrando (Cunéo).
Bonette, 2010

La route de la Bonette
Encore un mot  sur cette route étrange qui accumule les superlatifs : plus haute route d'Europe (2802 m), seule route à traverser un parc national (Mercantour). C'est la région PACA qui a financé en 1960 la réfection et l'ouverture au public de cette ancienne route militaire reliant le 04 au 06 dans le cadre d'une opération bien particulière. La rénovation était associée à la "création d'une route de prestige, ce prestige pouvant être obtenu par un record d’altitude. Il s'agit de créer une nouvelle route à l’adret, laquelle contournerait la cime de la Bonette, ce qui en ferait la route inter-vallée la plus haute d’Europe culminant à 2802 mètres d’altitude, dépassant ainsi le col de l’Iseran de 30 mètres". Ah tout est politique en ce monde !! Mais depuis, c'est l'Espagne qui détient ce record ... Qui dit mieux ?

photo DatchaRun
Monter la Bonette en courant
Dans mon programme annuel de course à pied, j'ai mis en bonne place cette Ascension pédestre de la Bonette, dimanche 28 juillet, 27 km et 1662 D+.

Retour sur le déroulement : 
Samedi 27 juillet, nous arrivons en Ubaye, Mark monte la Bonette en vélo pendant que je musarde en voiture avec quelques arrêts pour courir un peu et voir "comment ça fait de courir en montant". Oui, je dois l'avouer, je cours rarement en montant, en général je marche ... enfin surtout en trail. 
Nous basculons et nous arrêtons à Saint-Etienne de Tinée, lieu du départ, pour retirer mon dossard. Nuit dans un hôtel à Auron et le lendemain matin à 6h30, Mark me dépose à Saint-Etienne pendant qu'il monte la voiture, redescend en vélo pour remonter ensuite... mais ça c'est une autre histoire.
A 7 heures, nous sommes 237 à prendre le départ, il fait assez frais et j'ai un coupe-vent et des manches. Je porte ma ceinture avec un bidon et des réserves. Voilà c'est parti au 7ème coup de la cloche, je me place complètement à la fin du peloton. Je suis dans l'inconnu donc je pars très doucement.
Que dire ... ça monte ? Sans doute... Des épingles, des ponts, des cascades, des forêts. C'est au hameau du Pra (km9) que nous entrons dans le soleil et que la haute montagne apparaît. J'ai la musique dans les oreilles, la tête en l'air et je savoure le paysage. Après Bousièyes (km12), le pourcentage s'accentue et ce sont de grands lacets qui constituent autant de paliers. Je commence à alterner marche et course et je double.

Je ressens énormément d'émotions très diverses au cours de cette montée, une sorte d'allégresse que les endorphines diffusent insidieusement, mais aussi une grande lucidité sur l'histoire de ma vie et de cette montagne. Mais qu'est-ce qui me fait pleurer comme ça ? L'ivresse des cîmes ? Le mal de montagne ? Bon, c'est pas grave docteur, hein ? Madeleine je suis, madeleine je finirai...un vrai coeur d'artichaut.  Mais le principal c'est d'avancer et le sommet s'approche !

Toujours pas de nouvelles de Mark qui monte à vélo et qui est censé prendre des photos... Les ravitaillements sont très nombreux (6 sur la montée) et l'ambiance vraiment extra entre les cyclistes qui nous encouragent et les supporters en voiture. 

Deux kilomètres avant l'arrivée, dernière ligne droite avant le col de Restefond et Mark arrive à ma hauteur. Une fois la voiture garée au sommet, Mark est redescendu dans la matinée fraiche (11 °) en vélo à Saint Etienne de Tinée. Il s'est refait une santé avec une boisson chaude et est reparti pour la montée à 8h45, soit avec déjà 1h45 de retard sur les coureurs. Quand il m'a rattrapée, il avait donc fait sa montée à bloc ce qui n'était pas prévu après celle d'hier qui était aussi ... à bloc. Un peu cuit Mark, non ?

De mon côté, sur le plan physique, rien à dire, même mon genou m'a laissée tranquille, sur le plan mental c'est autre chose... mais je finis par retrouver mon calme et ma joie d'être là !

J'ai mis 3h41, je suis classée 169ème au scratch, 17ème femme sur 31 : contente :-)
Pendant que les bus redescendent les concurrents, nous rejoignons notre voiture  (merci Mark !) et retour dans la fournaise de la vallée (31 °) avant d'aller piquer une tête dans le lac du Serre Ponçon. Vive l'Ubaye !

Commentaires

  1. Qu'est ce qu'on l'aime, cette Bonette!Perso j'adore le paysage entre le lac des Essaupres et les baraques militaires coté nord... Bravo pour ta perf à pied, en tout cas, Madeleine!!! ;)

    Denis

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  2. Et ben décidément, ça termine toujours par une trempette !!!
    Bravo Anne, ça doit être une sacrée belle course ...
    J'imagine bien l'émotion que l'on peut ressentir la haut, aprés une grimpée à pied, en retrouvant son cycliste preferé (même un peu crâmé) !!!
    Poucet

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  3. Total respect à la jolie "madeleine" que tu es !!! C'est vraiment une belle histoire entre toi et La Bonette, et je t'avoue que je la trouve très touchante !!

    Anne

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  4. J'avais vu ton récit, alors que j'avais dans mes cartons une expédition en vélo pour connaitre ce fameux col et cette région.. sortie faite hier.. encore plein les yeux .. et plein les pattes !!! (billet sur mon blog à venir)

    Bravo à toi pour ta course, merci pour ton récit de ce Col de la Bonnette si particulier et familier pour toi ;-)

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    1. Ah Philkikou : tu as bien choisi ta journée : grand beau temps hier ! moi j'étais sur Agnel :-)

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  5. Super récit et belle perf ! mais je n'arrive pas à comprendre si la course se fait sur route fermée ou non ??

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  6. la route est ouverte à la circulation ... mais elle est large et il y en a peu ! pas gênant du tout. Anne

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