Trail des Passerelles de Monteynard

La passerelle de l'Ebron
"Une histoire de ponts : les passerelles himalayennes
En 2008, le SIVOM du lac de Monteynard Avignonet (avec le concours de l’Europe, de l’Etat et du FIBM de la région Rhône-Alpes et du Conseil Général de l’Isère) faisait entrer le site dans l’histoire en construisant des passerelles himalayennes uniques sur le continent. Ces ponts suspendus au-dessus de l’eau turquoise permettent de franchir le Drac et l’Ebron et, ainsi, de relier Trièves et Matheysine.
Ces passerelles revêtent un caractère tout simplement exceptionnel : leur longueur défie les lois de la pesanteur… et la propension au vertige ! La Passerelle du Drac mesure 220 m de longueur et enjambe le lac de 45 à 85 m selon la hauteur des eaux. La Passerelle de l’Ebron s’étire sur 180 m, également entre 45 et 85 m au-dessus de l’étendue scintillante au soleil."
Quand je suis tombée lundi dernier sur l'annonce de ce trail dans le calendrier Kikourou puis que j'ai vu les photos des fameuses passerelles, il m'a été difficile de résister en me rangeant aux arguments que ce n'était pas programmé ni vraiment compatible avec ma préparation des longs événements de course sur route à venir.  Mais mon mode de réaction est invariablement fixé sur "Si je ne le fais pas aujourd'hui, le ferais-je un jour ?" ce qui explique (un peu) ma naturelle hyperactivité.

Me voici donc en route dimanche 21 juillet pour les plages du Treffort en Isère, à 1h30 au nord de chez moi, au bord de la retenue d'eau de Monteynard Avignonet. Je viens retirer mon dossard au moment où les concurrent du 45 km partent en bateau pour rejoindre le départ sur l'autre rive. Il y a 4 épreuves distinctes dont une randonnée et 3 trail de 17, 29 et 45 km.

Sous l'arche de départ, nous nous retrouvons entre CAFeuses (forum de Courir au Féminin) dont certaines constituent l'équipe des Pink Ladies. Discussions animées avant le départ qui se fait attendre, nous sommes 350 inscrits sur le 29 km.

Un peu plus tôt, le soleil a franchi le massif du Sénépi et inonde le lac révélant ses eaux turquoises. Nous partons en longeant le lac et sommes vite à l'ombre dans la forêt sur des sentiers bien tassés qui sont très agréables. Malgré les racines qui forment autant d'obstacles, je me dis "enfin un trail sans cailloux !". Des petites bosses, ça monte et ça descend sans cesse, très sportif, très ludique : parfait pour une mise en jambe. J'envie ce terrain d'entrainement à ceux qui habitent par là !

Bientôt la passerelle de l'Ebron (180 m) est en vue : grosse structure métallique bien qu'aérienne vue de loin. Il est "interdit d'y courir sous peine de disqualification" : je comprends, ça bouge un peu et ça vibre et nous sommes environ 50 personnes en même temps. Il y a quelques années, je ne serai pas passée sur un truc pareil mais les via ferrata m'ont aguerrie et j'ai appris la technique : les yeux droit devant sur un point fixe, les bras écartés pour l'équilibre, et ne pas regarder en bas si on le craint (c'est grillagé).


A la sortie, ça monte à pic, c'est court mais violent ! Nous sommes toujours en pleine immersion dans une forêt épaisse aux arbres immenses : je les apprécie car ça me manque dans nos Alpes du Sud aux arbres courts. Parfois les eaux bleues se laissent deviner au gré de la progression : j'ai totalement perdu mon sens de l'orientation et je me laisse guider sur ces chemins, sans trop de notion ni du temps ni de la distance. Je m'enferme dans ma bulle : je sais que ça va être long et difficile... il fait si chaud !

Nous croisons beaucoup de randonneurs en sens inverse : ils ont pris le bateau du Treffort pour prendre le départ d'une balade 15 km et viennent à notre rencontre. Beaucoup d'enfants et de familles de traileurs, c'est un public qui sait donner de l'encouragement !

Nous passons la deuxième passerelle sur le Drac, 220m, je m'habitue, je prends beaucoup de plaisir... et de photos. A la sortie de cette passerelle, nous partons pour 600 de D+ d'un coup. Je marche régulièrement, à grandes enjambées et je double beaucoup. Le ravitaillement se fait attendre, je gère mes dernières réserves d'eau (j'ai 1 litre sur moi dans 2 bidons à la ceinture, plus confortable quand il fait chaud qu'un sac à dos avec poche d'eau).  Je reçois un coup de fil de Mark qui se prépare à décoller de Laragne Chabre. Il est un peu plus d'11 heures.

Et c'est reparti pour une longue descente que je gère à peu près bien, c'est à dire sans tomber, et j'arrive même à doubler un peu. A nouveau la passerelle du Drac puis, par le même chemin celle de l'Ebron. Et c'est là que commencent les vrais difficultés sur le plan physique mais j'ai toujours un sentiment de satisfaction intense, de grande joie d'être là, impressions qui ne me quitteront pas jusqu'au bout.

Une dernière boucle de 6 km pour rejoindre l'arrivée : quelle souffrance, quelle désespérance autour de moi ! Heureusement toujours beaucoup de randonneurs qui sont maintenant dans le même sens que nous. Un ravitaillement en cours de route, le bienvenu (c'est le 4ème : bravo aux organisateurs). Encore des côtes, et des côtes et des raidillons à n'en plus finir. J'ai les quadri très durs et les crampes aux ischios (tiens, c'est nouveau comme sensation pour moi) sont imminentes ... Je fais quelques étirement contre un arbre pour en éviter le déclenchement. Il y a beaucoup de crampes autour de moi. Les 3 signaleurs que nous dépassons successivement nous indiquent le même message : encore 3 kilomètres. Pas bon pour le moral ça ! Je serre les dents, comme mes voisins d'ailleurs. Que c'est long... je visualise les scènes d'arrivée pour me donner du courage, je pense à mes copines CAFeuses, je pense surtout à la bonne baignade que je vais prendre dans ... 10 minutes ! Et nous arrivons enfin au but : j'ai mis 5h12, classée 48ème sur 69 femmes, et 230 sur 350 partants.

Je retrouve une amie à l'arrivée qui a très bien couru et je réalise enfin mon rêve : j'enfile mon maillot de bain et je vais me rafraichir et surtout me laver. Le top du top pour une arrivée de course ! Petit à petit nous nous retrouvons toutes et prenons des nouvelles les unes des autres, je prends mon temps et ceci est important car il va se passer quelque chose de totalement imprévisible à mon retour ... jugez plutôt :

Mark et moi évoluons souvent dans une sorte d'espace-temps : "en physique, l'espace-temps est une représentation mathématique de l'espace et du temps comme deux notions inséparables et s'influençant l'une l'autre". Plus souvent que la normale, nous nous rencontrons au même endroit, au même moment.

Aujourd'hui, Mark a fait un vol en deltaplane qui l'a emmené vers le nord, c'est à dire en direction de l'Obiou pas loin de là où je suis allée courir. J'en ai même parlé à l'une ou à l'autre de mes compagnes qui connaissent ce blog et les activités de Mark en montrant l'Obiou et ses très beaux nuages.  

Mais il n'y avait absolument aucune, mais aucune chance pour que... après son vol perturbé par les orages, après ma journée terminée sur la route des retours derrière une caravane sur un col, après avoir piqué un roupillon sur un parking... vraiment aucune probabilité pour que, à 3 kilomètres de la maison, avant de passer devant l'atterrissage de notre village, je voie ça : 

Je l'ai reconnu au premier coup d’œil quand il survole la voiture à 30 mètres d'altitude : c'est Mark à 30 secondes de se poser ! Voilà, c'est l'espace-temps que nous partageons si souvent, fait d'une série de coïncidences absolument improbables, impossibles à organiser, inconcevables dans l'imagination.
En survolant l'atterrisage, Mark ne m'avait pas vue arriver. On pourrait mettre une bulle sur cette photo où il dirait "What a good timing !" . Pur instantané de joie, photo garantie sans mise en scène !
PS : je précise que Mark vole sans radio

Commentaires

  1. Superbe Anne et que de magnifiques rencontres hier pour un final à la hauteur de la journée :)
    Sandrine

    RépondreSupprimer
  2. Magnifique moments de sports ......... pour tous les deux......
    Mark en Homme volant........ çà m' impressionne grave moi qui a toujours les deux pieds sur terre... et qui n' imagine même pas une seule seconde faire autrement hiih

    Bravo pour ce Trail curieux et original..... de bien belles images....

    Bonne continuation à vous deux ...
    BRIDOU

    RépondreSupprimer
  3. Sympa ce trail! Et la coincidence est amusante, voir troublante!
    Bravo!

    Denis

    RépondreSupprimer
  4. j'adooore la fin ! au top cette arrivée synchro !!
    très contente d'avoir fait ta connaissance et bravo à toi aussi pour ton temps!

    RépondreSupprimer
  5. Moi aussi j'adore la fin ... C'est beau le sport passion, encore plus quand c'est partagé !!!
    Un trail avec les pieds dans l'eau à la fin, c'est vraiment trop top ... Un bon(petit)entrainement pour le Leman ...
    Vivement la suite

    Poucet

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire