Destination Sampeyre

Mark dans la montée du Col Agnel
Dans une équipe, il n'y a qu'un seul chef et je suis toujours ravie de me laisser guider par Mark qui connaît mes capacités mieux que moi-même. Et quand il envisage le projet de passer une frontière pour aller rouler ailleurs, je suis toujours d'accord. Chez Mark -qui est né sur l'île d'une île- et moi -née au Pays des Trois Frontières-, l'envie d'aller voir ailleurs est inscrite dans nos gênes.
Alors en cette fin de semaine, en rentrant du boulot quand Mark me propose un week-end inopiné en vélo de route en haute montagne avec une nuit en Italie : je réponds banco sans hésiter.
 Son programme est taillé pour les cyclotouristes que nous sommes devenus : monter Agnel, 2ème plus haut col de France, tenter l'ascension du col de Chamoussière (alt. 2884m) sur un sentier pédestre avec le vélo sur l'épaule et descendre Agnel jusqu'à Sampeyre. Le lendemain serait consacré au retour par la même route pour le plaisir de remonter Agnel par son versant italien, beaucoup plus raide, que nous n'avons pas gravi depuis longtemps. Mais notre programme ne s'est pas tout à fait déroulé comme prévu...
Le col Agnel en vue
Jour 1 
Après une nuit dans le Queyras, nous partons avec les premiers rayons du soleil pour grimper les 23 km qui nous séparent du col Agnel. Les petits villages qui se succèdent sont très chouettes : Molines-en-Queyras puis Pierre-Grosse. Nous prenons le temps de nous arrêter à une fontaine, de discuter avec un cycliste, de stopper pour observer un combat joyeux de jeunes chamois (? bouquetins ?) qui s'en donnent à pleine tête et l'ascension se poursuit tranquillement jusqu'au beau refuge que l'on voit de loin. D'ici, nous visualisons bien ce nouveau col de  Chamoussière qui pourrait agrémenter de belle façon mon carnet du Club des Cent Cols (allez voir leur nouveau site web). Nous repérons le sentier à emprunter, les névés à passer et estimons que ça devrait être faisable. On change de chaussures, et on commence à marcher mon vélo sur l'épaule. Mais le doute s'instille dans notre esprit : on dirait bien qu'on l'a déjà fait celui-là en venant de l'autre côté, non ? Mark a l'air assez sûr de lui, en tout cas assez pour que notre motivation à passer 2 heures à escalader un sentier avec un vélo sur l'épaule fléchisse. Ce projet est plié assez rapidement : s'il s'avère qu'on ne l'a jamais fait, ça nous donnera une occasion de revenir ! On reconnait bien là le côté positif de Mark (après vérification au retour : non, nous ne l'avons jamais grimpé celui là !).


Nous remontons sur nos vélos et atteignons le col Agnel (alt 2740m) avant midi, il y a beaucoup de cyclistes au sommet. Le temps d'admirer le mont Viso et nous descendons vers la vallée du Pô.
Grisés par la descente en lacets serrés, nous nous arrêtons à Pontechianale et son lac où des kite surfeurs évoluent. Après un café, nous descendons jusqu'à Sampeyre à 950 m d'altitude où nous avons prévu de passer la nuit avant de remonter Agnel le lendemain.
Le Mont Viso dans les nuages
Ici se matérialise clairement ce que nous redoutons pour l'avoir déjà vécu : quand on est cycliste, arriver trop tôt à l'hôtel peut se transformer en vraie galère d'attente et d'ennui, sans rien à lire ni chaussures de marche ... et il n'est que 14h30 ! On pourrait visiter le village et son église, descendre encore un peu en vélo et remonter plus tard...  Sans doute, mais Mark a une autre idée : il estime qu'on devrait pouvoir revenir dans le Queyras par une autre route : Sestrière et Izoard !  Mark a déjà fait ce parcours dans une Superrando et, bien que la distance et la difficulté soient assez imprécises, voilà un projet excitant :  moi qui aime l'aventure, je ne me fais pas prier... ce sera toujours mieux que de faire un aller-retour.

Nous voilà repartis dans la tiédeur de la plaine du Pô : nous continuons de descendre jusqu'à 500 m d'altitude et prenons vers le nord le col d'Il Colleto en direction de Brandello (et hop un nouveau col dans mon tableau !) qui se grimpe tranquillement à l'ombre jusqu'à Saluzzo. Là, je stoppe un cycliste assez âgé, appelons-le Aldo, à qui je demande comment rejoindre Sestrière. Très affable, Aldo qui pense que je parle italien couramment, nous guide dans un dédale de petites routes pour éviter les grandes, jusqu'à Barge à 20 kilomètres de là. Avec lui, nous traversons la plaine arboricole du Pô entre les cultures de kiwis, pêches et abricots. Les routes plates et étroites sont chargées et les Italiens ont tendance à tailler des shorts assez facilement. Nous filons en ligne entre les vergers, il fait beau et ça sent bon. 
Le Pô et sa plaine toujours brumeuse
Les plantations de kiwi
Sculpture taillée dans la pierre dans un village avant Barge
 Aldo ne perd pas une occasion pour parler du Tour de France qui est passé par ici et du Giro d'Italia qui est passé par là. Un vrai passionné ! Il nous quitte à Barge et après de chaleureux remerciements de notre part pour le guidage, nous partons vers l'ouest direction Pinerolo, puis Sestrière ! Les forces commencent à manquer, nous avons 150 km et 2200 m de dénivelé positif dans les jambes et il se fait tard : l'auberge villageoise où nous nous installons est très accueillante.

Jour 2
Le lendemain le programme est sérieux : Col de Sestrière, de Montgenèvre et de l'Izoard. Nous partons très tôt et montons d'une traite les 45 km et 1500 m de dénivelé qui nous séparent du col de Sestrière (alt. 2035 m). 

Entrée dans la station bourgeoise de Sestrière
C'est le grand froid dans cette station très exposée au vent. Le temps de refaire nos provisions et nous descendons vers Cesana Torinese avant de remonter vers Clavière. Mark teste en route un ravitaillement improbable : Red-Bull et salade-mayonnaise, ce qui explique pourquoi, l'estomac en vrac, il reste à mes côtés en montant et semble plus à la peine que moi !

Les galeries sont maintenant réservées aux cyclistes
Mais la très bonne surprise dans ce col, ce sont les tunnels : un nouveau tunnel interdit aux vélos est venu remplacer les anciennes galeries ouvertes, et nous voici pédalant dans ces longs tunnels déserts. C'est beaucoup moins bruyant ! Au col de Montgenèvre (alt. 1854m)  nous plongeons vers Briançon, après une recharge en eau et la descente par la vieille ville ... nous voici sans transition dans les pentes du col de l'Izoard.
La citadelle de Briançon

Le col de l'Izoard est toujours une belle surprise quand on voit les roches nues se dessiner au loin, si spectaculaires, quelque soit le côté par lequel on l'aborde. Après Cervières, dans les derniers 10 kilomètres de l'ascension qui en compte  21, je faiblis sérieusement. Mark a le temps de m'attendre allongé dans l'herbe, sur une fourmilière : si j'étais arrivée quelques minutes plus tard, Mark aurait disparu, complètement digéré... Le sommet du col est vraiment une récompense qui me tire des larmes : quelle merveille après un tel effort !
Le village de Cervières
La casse déserte du Col de l'Izoard
Dans la descente qui traverse Brunissard, les longues lignes droites permettent d'atteindre des vitesses de folie, mais Arvieux et sa pâtisserie imposent l'arrêt. Encore quelques kilomètres de descente, nous retrouvons la vallée du Guil et Chateau Queyras avant d'atteindre enfin le kangoo avec 110 km et 3500 mètres de dénivelé positif.

La casse déserte du Col de l'Izoard
Le week-end était peut être un peu ambitieux pour notre niveau de forme du moment, mais finalement ça nous ressemble bien : trouver quelque chose à grimper, ne pas être trop raisonnable et laisser de la place à l'imprévu...

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