Chili et Argentine : 2eme semaine

Mardi 25 décembre, 111 km et 1800 D+ , de Agua Caliente à Villa La Angostura 


Nous quittons notre igloo à 7h et traversons à nouveau cette ancienne et sombre forêt du parc national Puyehue. Pendant plusieurs heures, il n'y a rien ni personne, nous roulons tranquillement en bavardant cote a cote jusqu'au poste frontière en bas du col Cardenal Samore. Police, café, douane, police à nouveau : les 20 km du col sont en no man's land. Nous avons 1000 metres à grimper, la route est large et en bon état.

Avant le sommet, c'est une hécatombe sur des dizaines de kilometres à la ronde : des millions de grands arbres sont pétrifiés sur un lit de cendres grises. Une végétation basse, jeune et vigoureuse a colonisé les lieux, mais ces grands troncs gris restent comme des mains ouvertes vers le ciel.

 Maintenant des taons nous attaquent vicieusement. Je bats des mains, et me couvre la nuque et le visage, mais ils piquent à travers les vêtements. Leur nom anglais est évocateur : horse fly : non pas qu'ils sont puissants comme des chevaux, mais ils peuvent les piquer à travers leur cuir.

Voici le sommet â 1321 mètres , une photo et nous redescendons : le côté argentin des Andes est une fournaise ! Passage de la douane et de la police, on nous demande sans insister une facture de nos vélos. Si nous voyagions avec nos vélos de route en carbone, il aurait été prudent de s'en munir.

La forêt est bordée d'énormes tapis de fleurs, et nous retrouvons un paysage très montagneux de lacs. La route n'en finit pas de monter et descendre, nous sommes complètement cuits et brûlés, surtout sur le visage. L'arrivée à Villa La Angostura est un énorme soulagement : cette station de ski aux airs tyroliens est un paradis de beauté et nous en tombons tous les deux amoureux. Nous y passons deux nuits, car le repos s'impose !


Jeudi 27 décembre,  109km et 1600 D+, de Villa la Angostura à San Martin de los Andes


Nous avons pris un jour de repos mercredi. C'était nécessaire pour nous reposer et soigner nos bobos. Nous avons tous les deux des boutons de fièvre et les  lèvres abîmées  ! Le soleil n'a rien arrangé et nous vivons la bouche ouverte depuis deux jours pour que tous les onguents et pommades fassent leur effet... Nous parlons une nouvelle langue, ça donne : "J'ai angé des yrtilles avec Ark à ille ètres" ou "I' edaling with y itch". Vous devriez essayer aussi, c'est marrant !

 Retour a des sujets plus intéressants : ce matin nous sommes partis de la Villa Angostura pour San Martin de los Andes. C'est l'unique route vers le nord et elle relie 7 lacs différents !

Nommée Camino de los siete lagos, on y voit des minibus en aller retour, des touristes en voiture qui s'arrêtent comme nous a chaque panorama, mais aussi des cyclistes chargés comme des fous qui parfois montent les côtes à pied et font ce parcours en plusieurs jours. Sous nos yeux des sommets enneigés de part et d'autre, toujours des tapis de fleurs, et un grand soleil dont il faut de protéger.

 Ce soir, nous faisons le parcours touristique intégral : bière en terrasse, puis restaurant de viande pour goûter à un mixed-grill local arrosé d'un bon Malbec, repas conclu par une glace !


San Martin de Los Andes à Puerto Fuy, 84 km et 828 D+ (sont 30km en ferry)


 Au revoir l'Argentine ! J'espère qu'on aura l'occasion de revenir un jour car tout nous a plu ici : c'est moderne, on mange bien (spécialités : chocolat, glaces, viandes...), et les paysages sont époustouflants et d'une autre dimension !

 Aujourd'hui nous avons prévu de rentrer au Chili par le col Hua Hum et le ferry, mais il faut se préparer à rouler sous la pluie et dans le vent fort !

 Au départ de l'hôtel ce matin, la route monte tout de suite à 20% pendant les deux premiers kilomètres... Ensuite, c'est vallonné dans la forêt mais il n'y a plus de goudron et nous roulons sur une piste large à l'effet de tôle ondulée. Nous sommes très secoués et plusieurs fois il faut resserrer une attache : Mark a toujours ses clés alene dans sa poche ! Comme prévu, le vent se renforce et nous fait perdre l'équilibre. Nous traversons un parc naturel, la forêt est magnifique mais nous sommes peu observants du paysage car la pluie torrentielle se déverse et il fait 5 degrés à 1000 mètres d'altitude ! Nous regrettons nos gants longs.


 Bientôt la piste qui monte et descend sans cesse se transforme en rigole et nous sommes trempés et couverts de terre. Une halte pour un café dans une très belle auberge le long d'un lac ne nous permet pas de nous réchauffer : l'endroit n'est pas chauffé !

 Voici le petit poste de frontière de sortie de l'Argentine où tout se passe vite et bien. En revanche, quelques kilomètres après, c'est l'entrée au Chili et notre état piteux n'inspire pas de mansuétude aux trois fonctionnaires auprès desquels nous passons successivement. Nous degoulinons et remplissons des papiers vites tâchés d'eau mais le pire est à venir : nos sacs doivent tous passer aux rayons X. Nos bagages terreux maculent tapis roulant et bacs et voilà maintenant que nous devons ouvrir et vider nos sacs : c'est la totale ! Mark-le vilain se fait confisquer ses olives vertes ! Refaire les sacs, les fixer sur le vélo sans montrer sa mauvaise humeur...


Nous repartons mais l'heure tourne et il faut se presser pour faire les 12 km qui restent pour attraper le ferry de 15h. C'est un très confortable bateau qui se substitue à la route sur les 30 km d'un joli lac étroit en forme de haricot. Le ciel s'éclaircit pendant que nous naviguons. Mais les averses reprennent de plus belle alors que nous arrivons au minuscule village de Puerto Fuy où nous avons réservé la nuit dans un hostal familial tout en bois. Melina qui nous accueille nous encourage à suspendre devant ses deux poêles à bois tout nos équipements qui sèchent pendant que le poulet cuit... La soirée est fraîche au pays des indiens Mapuche !


Dimanche 30 décembre, de Puerto Fuy à Panguipulli 85 km et 1000 M de D + 


 Avant de quitter l'hostal, il faut nettoyer nos vélos qui ont beaucoup souffert hier dans la piste boueuse. Les vitesses ne passent plus, les freins à disque font un énorme bruit. Dans la courette, vélos à l'envers, tout est démonté et brossé. Mark sacrifie sa brosse à dents pour nettoyer chaînes et pignons. Il y a des dégâts : j'ai désintégré mes plaquettes de frein arrière.

 Il fait très frais ce matin mais le ciel est dégagé après la pluie. Les 20 premiers kilomètres nous saisissent mais le paysage est splendide : nous traversons la foret de la réserve nationale Huilo Huilo. Puis nous rencontrons un lac que nous suivrons longtemps et qui fait partie du circuit des Siete Lagos : sur la carte, il y a plusieurs points nommés mais ce sont des miradors, et pas des villages... donc aucun café ni ravitaillement pendant 60 km... Quand l'occasion se présente enfin, il ne faut pas hésiter ni être difficile.

 A l'occasion d'un petit crochet supplémentaire pour rallonger la balade, nous descendons sur la plage de Calafquen où je pique une tête dans l'eau transparente.

 Arrivés vers 18h dans la Cabana que nous avons réservée pour deux jours, nous découvrons la vue depuis la terrasse : la lac Panguipulli et le volcan Villarrica enneigé. Le jardin est extraordinaire et peuplé de grands oiseaux qui jacassent.

Lundi 31 décembre, 96 km et 1080 D+ Tour du lac Calafquen 


Aujourd'hui nous roulons léger : les bagages restent à la Cabana. Petit tour dans la ville : les rue sont au cordeau, en sens unique et les Chiliens qui conduisent la plupart du temps des 4x4, sont très calmes au volant. Il y a plein de commerces de toute sorte et beaucoup d'activité en ce lundi matin. Les bâtiments sont la plupart du temps en bois et avec un seul étage. Notre circuit nous fait prendre de petites routes goudronnées très tranquilles. Beaucoup de gens attendent sur le bord des routes des bus qui s'arrêtent si on lève la main. Donc tous les 200 mètres, ils s'arrêtent. C'est à nouveau un paysage de campagne et de pâturage, avec de belles vaches pies.



 Pause déjeuner à Lican Ray, station touristique locale au bord du lac : les Chiliens sont en vacances en famille mais se baignent peu. Ils font peu de sport de manière generale et 60 % d'entre eux sont en surpoids... Il faut dire que c'est le règne du coca (par bouteille de 3 litres) et du completo (sandwich hot dog multi sauces).


 Nous continuons sur une route en balcon le long du lac, parfois goudronnée ou en piste, et traversons beaucoup de petites fermes : des vaches en balade sur la oroute, des familles de cochons et des élevages de chevaux. C'est notre dernière sortie vélo de 2018 qui aura été une très bonne année pour nous deux : Mark atteint 13200 km et moi 9500 !

Mardi 1er janvier, Panguipulli à Futrono, 107 km, 800 M D+ 


 Il faut quitter notre cabana ce matin : la plus belle vue, le plus beau jardin, et même chats, chiens et grands oiseaux sympas ! Pour la première fois, on descend vers le sud pour commencer doucement le retour vers l'aéroport de Valvidia. Notre étape d'aujourd'hui promet d'être longue et sans intérêt : ce fut confirmé !

Le paysage est toujours tout à fait agréable, mais après avoir passé des jours à longer des lacs sous l'oeil des volcans parfaits, on se contente difficilement d'une belle campagne ordonnée. Champs de blé, pâturages, forets d'eucalyptus, parfois une rivière, mais tout le temps une route droite et monotone.

 Je sais pourquoi je suis cyclotouriste : je pédale pour voir des lieux habités et des sites d'intérêt. Pédaler pour accumuler des kilomètres ne m'intéresse pas. Découvrir des lieux à la vitesse cycliste me convient très bien : je veux voir comment vivent les gens sans les déranger. Je veux porter mon regard sur la nature, ce qui y vit et pousse, sur des montagnes, des lacs mais quand je suis passée je veux voir ce qu'il y a après, et encore après...

Alors aujourd'hui fut une journée tournée vers l'intérieur, Mark et moi chacun dans notre bulle de pensées, et finalement pas si mal mais pressés d'arriver.

 Une halte dans le premier bar ouvert (après 60 km!) fut un grand moment de convivialité : 5 hommes debout au bar, le patron petit homme ridé comme une pomme, le silence quand nous entrons, que nous deridons par un grand sourire et un sonore Ola! Nous buvons un café con leche ( c'est à dire une tasse de lait chaud dans laquelle nous versons du nescafe) et en partant, un des gars demande de quel pays nous venons : je réponds Francia ! Aussitôt l'un d'eux entonne La Marseillaise avec les paroles ! Grand moment de sympathie avec ces gars là qui n'en sont pas à leur premier canon ! Retour sur nos vélos (on les entend encore chanter depuis le parking), il reste 40 km à faire en faux plat montant, la route est si rectiligne qu'on voit les phares des voitures à 3 km...

 Enfin, un virage, une descente et nous voici dans une campagne très vallonnée et magnifique : ici le paysage change très rapidement ! Le lago Ranco surgit, très bleu profond. L'office de tourisme est ouvert, nous obtenons plusieurs adresses et choisissons cet hostal sur le quai du port où un ferry local est prêt à partir : effervescence ! Vue imprenable depuis notre chambre : le soleil se couche lentement et nous observons les oiseaux revenir s'abriter dans la lagune. Soudain un vent tempetueux se lève et fait trembler la maison tout de bois sur pilotis.


La suite est ici

Commentaires