Le col sans nom

A Ribiers, point le plus bas des Hautes-Alpes, le mistral a soufflé toute la nuit et a rafraîchi l'atmosphère de la mi-septembre. Nous partons vers les sommets du département, attirés par un Col San Nom FR-05-2683. 
 
En route pour Vars par Guillestre, le lac du Serre Poncon continue de révéler ses berges dénudées que le vent fort érode en tourbillons sahariens. Le mistral est redouté dans notre région : souvent froid et fort, il s'installe plusieurs jours, chasse les nuages et assèche les terrains.  Mais en haute montagne, il dégage l'horizon et assure une vue profonde, pure et limpide sur les  sommets.  
 
En s'équipant sur le parking de Vars Saint-Marcellin, nous bourrons nos sacs à dos de vêtements d'hiver. La jolie route du Forest grimpe régulièrement au dessus des hameaux de Vars, puis sans revêtement, s'étire dans la forêt. C'est après un petit lac artificiel (qui alimente les canons à neige) que la piste se cabre et qu'il nous faut pousser les VTT. Au second groupe de randonneurs, ceux-là sont étonnés : "Sans assistance ici ?" nous répondons fièrement "Nous collectionnons les cols du Club des Cents Cols !"
 
 Les pistes de ski défigurent la montagne sans neige mais elles nous en garantissent l'accès : les engins doivent monter ! L'arrivée au col du Vallon par ce versant est plus difficile que par Risoul, mais nous l'avons déjà gravi il y a 11 ans (déjà !) et c'est l'accès aux cols suivants qui nous intéresse aujourd'hui. 
le col du Vallon

La descente vers le col de Saluces estbien agréable et le col suivant est déjà visible : il est impressionnant. Sans les effets de l'altitude, j'aurais pu pédaler sur cette large piste roulante, mais j'ai le souffle court et le but est encore loin. Au col de Jaffueil, nous repérons au loin des pistes et chemins qui mènent à  d'autres probables cols : notre quête est infinie...

 

Au pied du Pic de Chabrières, ce col très marqué intrigue : pourquoi un col officiel du catalogue du Club des Cents Cols est-il nommé Col Sans Nom ? Oubli ? Perte d'identité ? Toponymie à court d'inspiration ? Au sens figuré : "qui provoque l'effroi, trop ignoble pour être nommé". Sans appartenance lexicale ni territoriale, qui l'a posé là ? L'histoire de ce Sans Nom m'inspire alors que je pédale sur les lacets roulants qui nous rapprochent de lui.

Non revendiqué, il ne s'est trouvé personne pour le défendre. Car son destin l'a placé là où Vars a bâti les piliers de sa légende de station des records de vitesse. C'est la station de l'homme à ski le plus rapide ! C'est d'ici qu'ils s'élancent en combinaison, casques et ailerons profilés. Le record est de 254,95 km/h. En attendant les prochaines tentatives, notre Col Sans Nom, stoïque dans son environnement de pierres concassées, est le siège d'une zone de travaux où d'énormes engins décuplent les forces pour aplanir, lisser et construire encore.

Nous sommes en haut maintenant et j'ai trouvé son nom : c'est le Col du Courage. Du courage il en faut pour le skieur de s'élancer dans cette pente verticale à la vitesse supersonique. Du courage il en faut pour le chasseur de cols de le gravir au tour de pédale défiant l'équilibre, pas à pas jusqu'à l'immobile contemplation de la beauté qui s'étale à ses pieds.



Photo OT Vars

17 septembre 2022 - 30 km - 1400 m D+

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