Traversée du Haut-Atlas marocain



 


Vendredi 16 decembre 
Première journée de voyage : nous avons réussi à faire transporter nos vélos par Royal Air Maroc, mais pas à faire un vol direct de Marseille à Marrakech. En escale à Casablanca, on est parqués dans une aérogare où nous allons finalement passer... 8 heures. Voila : ce bel avion à hélices de 50 places a de la gueule, mais il est en panne ! On embarque en retard, tous moteurs éteints et deux tentatives de démarrage plus tard, tout le monde descend et retourne dans l'aérogare sordide. Peu d'informations, c'est la débrouille... et nous partons finalement avec le dernier vol qui se pose un peu avant 1h... longue journée commencée à 6h. Au moins aura-t-on pu compter sur l'immense gentillesse de notre chauffeur Abdelhak et du gardien de nuit de l'hôtel. En déballant mes affaires, je constate qu'il me manque un petit sac contenant notamment mon compteur Garmin... sans doute tombé de mon  sac à dos lors des innombrables manipulations de la journée. Il va falloir faire autrement pour le guidage GPS !   
Aujourd'hui, nous avons beaucoup parlé de voyages bien sûr, mais pas que du nôtre : le père de Mark, Richard, grand voyageur, a accompli la traversée de l'Afrique seul, à pied et en bus, du Maroc à l'Afrique du Sud au début des années 80. Il n'est malheureusement plus là pour nous raconter  ce voyage de 6 mois dont nous ne savons pas assez. C'est indéniable, Mark et moi sommes très marqués par l'atavisme ! 
Pour Mark, c'est le premier pas en Afrique mais pas pour moi. Je me rappelle de mon long voyage au nord du Sénégal chez  mon ami coopérant Fred en 94, et du voyage Élyséen en Côte d'Ivoire lors des obsèques d'un président, en 96. Deux expériences très riches mais radicalement opposées, qui m'ont appris que l'Afrique c'est d'abord des rencontres avec des personnes intenses et pleines d'humanité. 
Mais retour au présent : nous avons été réveillés par le muezzin, nous sommes ici mon chéri et moi avec nos vélos au départ d'un long périple dans l'Atlas : c'est notre projet, Inch'Allah ! 

Samedi 17 décembre 
Nos vélos sont bien emballés dans leur sac de transport, et c'est le moment de les remonter. A la place des emballages carton que nous utilisons habituellement, on a pris nos sacs que nous laisserons ici en partant : l'hôtel nous les garde jusqu'au retour.
Potence, pédale, selle, dérailleur : il faut tout remonter, Mark est minutieux et concentré et je le laisse travailler.
De mon côté, j'entreprends la programmation du GPS Garmin de Mark pour qu'il puisse recevoir et lire les fichiers .gpx de mon compte Openrunner via IQ. Belle prise de tête couronnée de succès ! Je continue de m'activer en silence en préparant mes affaires que je répartis dans mes deux sacs de vélo. BINGO ! Mon compteur Garmin est là alors que j'étais persuadé de l'avoir perdu ! Il était juste trop bien rangé...

J'ai juste le temps de me réjouir que Mark m'appelle à l'aide : il y a une boucle dans la chaîne. Tous ceux à qui c'est déjà arrivé savent que c'est une épreuve plus difficile encore qu'assembler un Rubik Cube. 

Je prends le relais car Mark est désemparé : je mobilise toutes mes compétences en tricot et en mécanique et je me rappelle qu'il faut glisser une 2eme boucle pour qu'elles se defassent ensemble. Logique non ?

Si vous rencontrez ce type de problème un matin en partant travailler à vélo, ne faites surtout pas cela. Vous seriez très en retard. 

Grâce à moi on se retrouve avec 4 boucles et la chaîne complément vrillee. Plusieurs tuto YouTube après, 2 solutions émergent : d'abord démêler la chaîne après l'avoir ouverte. Ce serait possible si avec le dérive chaîne, Mark avait amené un maillon... Derrière solution avant le taxi vers un mécanicien à Marrakech : démonter les 2 galets et la patte de dérailleur pour que la chaîne puisse être démêlée avec des double boucles autour d'un seul axe et pas de 3.

Heureusement Mark a toutes les clés aleine et un modèle sous les yeux puisque le 2eme vélo est strictement identique...

Il a fallu 3 essais et  remontages complets pour trouver la solution puis régler le  dérailleur pour conclure l'affaire et aller manger : il vaut mieux éviter d'avoir à faire ça au bord de la route ! 

Ces événements nous laissent épuisés, juste l'énergie pour aller voir les Marocains perdre la petite finale, au moins l'ambiance était bonne ! 

Bonne journée 🚵‍♀️🚵‍♂️

Dimanche 18 décembre 

Première journée sur la route : nous sommes très excités ! Quelques indications sur le climat : les nuits sont froides 0 à 4° mais dès 10h ça monte jusqu'à 20 ° même  à 1000m d'altitude où nous sommes aujourd'hui. Le grand ciel bleu s'étend sur l'Atlas et ses sommets enneigés : c'est magnifique !

Le long des routes au revêtement impeccable on croise des cyclistes sportifs locaux : c'est vallonné avec des petites gorges et de belles montées vers des villages perchés.


Notre étape se parcoure en quelques heures : nous voulons voir la finale de la coupe du monde de foot France-Argentine à 16h ! Le riad réservé pour la nuit n'a pas la tv mais le patron nous indique un café au bord du lac. L'ambiance d'abord calme devient assez extraordinaire à mesure que ce match complément fou se déroule, mais c'est plutôt Messi, donc l'Argentine, qui a les faveurs du public...Mark et moi, pourtant peu amateurs de foot, avons vécu un moment très fort ce soir avec des hauts et des bas comme tous les Français !

Au riad, c'est une mama très serviable qui s'occupe de nous. Il n'y a pas de chauffage à part un petit radiateur d'appoint dans la chambre, aussi nous met elle sur le lit plusieurs épaisses couvertures. Dans la salle à manger, nous degustons un tajine kefta devant la cheminée où quelques bûches nous réchauffent. 

60 km, 100m de D+
Bonne journée 

Lundi 19 décembre 
Encore un lundi au soleil ! Notre courte étape longe un oued encaissé. 
Au fur et à mesure qu'on s'éloigne des villes, la pauvreté s'expose. Peu de véhicules, quelques mobylettes, des ânes. Partout des bergers ou bergères avec chèvres ou moutons. Les habitats sont délabrés.
Les femmes sont absentes du paysage. Autant en ville, jeunes et moins jeunes apparaissent indépendantes, à la campagne, leur mode de vie est très proche des traditions. Le costume des femmes berbères est coloré et couvrant. 
Plus haut dans la vallée, elles sont organisées en coopérative et produisent l'huile des arganiers, très bonne pour la peau et les cheveux, mais aussi en consommation.

On avance pas bien vite ce matin. Des travaux importants sont menés sur la route pour empêcher les éboulements. Les traces du ravinement sont partout et cette unique route est souvent coupée pendant les pluies comme nous l'explique l'épicier. 

Arrivés tôt dans un superbe riad a Ijoukak, nous planifions nos étapes des jours suivants : le manque d'hébergements nous impose des arrêts comme celui d'aujourd'hui avant des étapes plus longues. 
40 km, 600 D+


Mardi 20 décembre 

Ce fut une grande journée à la hauteur de nos espérances : nous avons passé le col Tizi N'Test à 2098m !
En quittant Ijoukak vers 9h30, il fait 3°. Dans nos 10kg de bagages on a mis tout notre équipement d'hiver donc sauf neige épaisse, on devrait pouvoir passer partout dans le Haut Atlas.
La montée est longue (40km) et si belle qu'on s'arrête 1000 fois pour faire des photos. La roche est rouge, la route sinueuse et les encouragements des passants constants. A pied, sur un âne,  en mobylette, minibus ou voiture particulière tout le monde nous salue, les Marocains sont de loin les gens les plus sympathiques que j'aie rencontrés...
Il fait toujours grand soleil et la température monte graduellement : la vallée encaissée et à l'ombre reste froide mais avant le sommet il fait 16°. Que de beaux paysages : c'est très spécial et nous sommes très émus par ce premier 2000 en Afrique !
La terrasse de l'auberge Bellevue constitue un arrêt incontournable pour tous. Nous prenons un nus-nus (café  noisette) avec Mael, très jeune Nantais qui descend en Afrique du Sud en stop avec 10 € par jour. Belle aventure dont on  partage un moment intense.
Cet endroit incroyable est aussi un décollage de parapente, on voit à des dizaines de kilomètres la plaine qui s'étend vers Agadir.
La descente est interminable sur un revêtement nettement moins bon de ce côté, il faut parfois slalomer entre les nids de poule et on apprécie le confort des VTT. 45 km plus bas  nous arrivons à Ouled Behril, grosse bourgade sans charme où nous dormons dans un hôtel de voyageurs très correct. Le repas dans un snack est sain et équilibré, on n'a pas dépensé 40 € en tout aujourd'hui ! Quand on compare le prix de l'essence au coût de la nourriture,  c'est 10 fois plus cher qu'en France, les voitures sont donc réservées aux riches. La nuit est bruyante de chiens qui aboient sans cesse : il va falloir s'y habituer !
84 km, 1100 D+
Tizi N'Test MA-07-2098
Tizi Zougaghn MA-09-1199







Mercredi 21 décembre 

C'est une chaude journée qui s'annonce. A 600 m d'altitude,  nous sommes au plus bas du parcours et aujourd'hui nous commençons un trajet de 3 jours vers l'est qui commence par un itinéraire parallèle de 30 km pour éviter la nationale : il faut faire confiance au GPS qui nous guide à travers un dédale de pistes sablonneuses au sortir de la ville. Des enfants font la course avec nous sur de vieux vélos, un petit garçon perd sa sandale en nous dépassant mais ne peut s'arrêter faute de freins. Je l'observe slalomer longtemps avant de s'arrêter finalement.  
Une petite route goudronnée dessert les domaines agricoles de cette plaine très fertile : orangers et courges principalement. Il y a beaucoup de va et vient de camions qui nous poussent sur la bas côté, de 4x4 débordants et de charrettes tirées par des ânes. 
De retour sur la nationale à Aoulouz, c'est l'heure du départ vers le lycée pour des dizaines d'adolescents longilignes, à pied ou en vélo, et pour des grappes d'enfants le cartable sur le dos et leur mère à la main. Au Maroc, les écoles, collèges et lycées accueillent alternativement 2 groupes d'élèves, faute de place, pour des sessions de 2 heures, du lundi au samedi. Il y a donc toujours des élèves dehors, en attente ou en mouvement. 
La nationale 10 est assez plaisante à parcourir bien que toute droite avec deux petits cols. Poussés légèrement par le vent, nous avançons vite vers Taliouine.  Pour la première fois, dans cette bourgade propre nous avons une impression d'opulence peut être résultat de la culture de safran. Halte dans un hôtel coloré qui semble survivre à la disette.

68km, 700 D+
MA-09-0907 Tizi N'Sous 
MA-09-0955 Tizi N'Tighoula





Jeudi 22 décembre 

Cette étape était redoutée : longue ligne droite de 84km en grande partie sur un haut plateau à 1800 mètres d'altitude avec 4 cols...
Mais les paysages incroyables, les grands espaces, ce ciel si bleu, la route parfaite nous ont tenu en extase toute la journée. Ce soir, nous dormons dans un hôtel local a Tazenakht à 1500m d'altitude et nous degustons notre tajine avec un bonnet sur la tête. 



Nus-nus et biscuits à l'anis pour nous requinquer 

MA-09-1498 Tizi Iguer N'Oulili
MA-09-1511 Tizi Meleft
MA-08-1837a Tizi Taghatine
MA-08-1848 Tizi n'Zabbane

84km, 1050 m D+

Vendredi 23 décembre 

Quand l'hébergement est tellement dégradé qu'il vous motive à partir tôt le matin c'est que vraiment... c'est nul. Mais la gentillesse désarmante du personnel et  la somme de problèmes matériels à surmonter fait que cette étape hier soir restera comme des souvenirs forts... On s'en doutait avant d'y arriver : Tazenakht propose un seul hôtel, en dehors des plateformes habituelles donc à l'abri des mauvais commentaires... Mais après cette looongue étape, bien heureux de trouver une chambre, nous nous satisfaisons de tout.  Deux étages plus haut, la wifi ne passe plus, il n'y a pas de PQ, ni de serviettes,  pas d'eau chaude ni de chauffage (finalement réparé)... Au moins il y a la télé ! Mais ce qu'on y voit est assez choquant : aucun divertissement, que de la propagande et de l'intimidation barbue.  
Au lit dès le repas terminé, blottis pour se réchauffer bien que tout habillés, commence alors la sérénade urbaine nocturne.  Quelques chiens qui bataillent, le muezzin qui nous appelle et un improbable concert de moutons enfermés dans un camion dont le chauffeur doit être parti manger...

Donc ce matin, comme vous l'imaginez, on est prêts à partir ... Longue étape à nouveau. Trois chiots mignons nous prennent en chasse. Deux nous collent pendant les 5 km du premier col. Difficile de les ignorer mais je ne ferai pas la bêtise de les nourrir comme le chat du restaurant d'hier... Le paysage est tout aussi grandiose, mais la monotonie prend le dessus. 90km d'une route secondaire assez rectiligne sans aucun village, ni station service, ni café, sauf deux petits cols, une mine, et une fontaine qu'on prend en photo. Je suis tellement lasse que je m'endors sur un banc. 
Arrivés à Agdz, nous avons loué un bel appartement pour 2 nuits. L'accueil familial est charmant mais... il n'y a pas d'eau  courante, en cause la sécheresse... ! Va savoir si c'est ponctuel ou pas ?  En tout cas l'appartement est équipé pour tenir un siège à sec : lingettes, pack d'eau, plats et soupe à réchauffer à disposition. Mais tout ça est secondaire car on a enfin pu acheter pour la première fois du vin et de la bière !



90km, 600 m de D+
MA-08-1197 Tizi Bel Haj
MA-08-1498 Tizi Kert

Samedi 24 décembre 

Perdus dans la palmeraie !
Nous passons la journée entière à Agdz et faisons du tourisme. La Kasbah de Tamnougalt, à 7km, domine sur une colline, elle est entièrement accessible en vélo, et étonnamment déserte... c'est un grand moment d'exploration ! A ses pieds s'étend une palmeraie qui longe l'oued Draa. Il est très excitant de rouler le long des corridors en pisé, des canaux à sec, des chemins et des petits ponts. Nous faisons une dizaine de km dans le dédale de la palmeraie déserte : grenadiers, palmiers dattiers, petits lopins de cultures au repos... c'est un labyrinthe infini, une myriade de sentiers. Est-on déjà passé par là ? Est-ce la bonne direction ? Google Maps est inopérant, Garmin bipe sans arrêt... Capables de nous orienter en regardant en hauteur grâce au soleil et à la montagne en forme de tagine, il nous est impossible de garder un cap au sol. Les sentiers s'enroulent et se divisent. J'avais bien lu "prenez un guide'... 
Un jeune garçon nous affirme avec assurance qu'on ne peut pas continuer par là si on veut retrouver la route, puis un autre homme, le sosie de Gandhi, nous guide plus précisément et nous permet de sortir de là ! Quelle expérience ! 
De retour dans notre appartement (ou l'eau coule à nouveau) nous passons un joyeux réveillon à planifier la suite de notre voyage. 






Dimanche 25 décembre 

En quittant Agdz ce matin, nous philosophons sur les conditions nécessaires pour réussir un voyage à vélo : pas de bobos, un minimum d'entraînement, un vélo qui fonctionne bien, un objectif motivant, une bonne compagnie si celle de soi-même ne suffit pas, une météo sans trop de vent ni de pluie ni de froid, un terrain favorable avec des routes, du ravitaillement et un toit, et enfin une population qui ne représente pas un danger. Une seule de ces conditions manque ou change et le voyage se transforme en galère...
Nous sommes donc au bon endroit au bon moment et nous profitons de notre bonne fortune !

La route vers Ouarzazate est magnifique, toujours intéressante avec de nombreux virages : heureusement car le premier des deux cols est raide et long. 



Repas de Noël : pâtes, noix, crêpes, raisin et banane 


Au loin brille la tour solaire Noor la plus grande du monde, elle alimente 2 millions de Marocains.


Vue de notre terrasse : des cigognes sur la mosquée 


Ouarzazate 

MA-08-1691 Tizi Tinitift
MA-08-1199 Tizi Nitgarane

68m, 1100 D+

Lundi 26 décembre

De Ouarzazate à Skoura, l'étroite nationale 10 nous oblige à anticiper le trafic arrière et rester bien à droite. Une rencontre avec deux jeunes cyclistes belges égaye la matinée : en voyage depuis 10 mois ils sont très enthousiastes !
Nous arrivons tôt dans un hébergement de rêve puis allons visiter la kasbah locale.

40 km, 400 D+

Mardi 27 décembre 
Ah quelle difficile journée de vélo ! Les 50 km les plus durs de ma vie. Dès les premiers tours de pédale sur l'étroite et chargée N10, le vent d'est complètement de face nous enveloppe. 30 km de vent et 50 km rectiligne à faire. Un arrêt s'impose tous les 7 à 10km dont le premier accroupis au sol d'un oued desséché. Ensuite une station service, un bas côté, puis une piste en terre nous servent de refuge. 
Le paysage rectiligne étage les couleurs superbes. Dans la grosse bourgade de Kelaat  M'Gouma, nous quittons cet enfer.
Le couple belge croisé hier nous a donné un sacré bon tuyau : il y a 3 vallées magnifiques ici dont les 2 premières se rejoignent pas une piste praticable à vélo. Nous suivons leur conseil. La Vallée des Roses où nous sommes maintenant descend tout droit de l'Atlas, comme la rivière Dades, puis Todra toutes avec des gorges et une route.
La kasbah dans laquelle nous dormons ce soir nous offre la plus belle chambre de tout le voyage et le meilleur des tagines ! 

Vue depuis la route
Vue depuis la chambre

Tagine what else ?

MA-08-1358 Tizi N'Tadarr
MA-08-1397 Tizi N'Imkhazni
56km, 600 m D+

Mercredi 28 décembre

Gros contraste avec la journée d'hier. 
D'abord la maison où nous avons dormi est splendide :  c'est une ancienne et riche habitation berbère construite sur un escarpement de plusieurs niveaux, les couloirs et escaliers mènent à des pièces au plafond de poutres et de roseaux. La salle où nous avons dîné assis sur des bancs bas est couverte de tapis. Un feu flambe dans la cheminée , les murs sont percés d'alcôves basses qui accueillaient des lampes. A l'intérieur, c'est sombre et glacial en hiver (certaines chambres sont chauffées). Nous prenons le petit déjeuner sur la terrasse au soleil levant avec nos vestes et notre bonnet sur la tête. 

Nous sommes depuis hier soir dans la vallée des roses, on y produit du parfum, mais la pierre est également rouge, ocre et rose. Des les premiers kilomètres, chaque virage révèle un nouveau paysage creusé par la rivière dans la roche. Le revêtement des maisons est de la même couleur que la roche, tout se confond.

Après 18km de montée sinueuse, à Boudeghrar nous quittons cette vallée pour prendre une piste qui relie les deux vallées. On y croise quelques 4x4, un grand groupe en VTT et peu de locaux. C'est juste sublime : toujours des couleurs rose et ocre, et ce ciel si bleu...

Après 14km de piste, nous voici dans la vallée du Dades, juste avant le début des gorges. Autre hôtel, autre ambiance... ce soir on entend les tambours !

45km, 650 m D+






Jeudi 29 décembre 

Grand jour : nous allons enfin découvrir les spectaculaires gorges du Dades! 
Cette route n'est pas un  cul de sac, elle traverse complètement le Haut Atlas par plusieurs cols à 2900 m sur plus de 150km. Plus jeunes, nous aurions peut être eu envie de faire ce parcours en VTT, mais aujourd'hui ce n'est pas envisageable même s'il n'y a pas de neige actuellement. 

Notre partons donc pour un aller retour au dénivelé très irrégulier sur 30 km, entre 1600 et 1800 m d'altitude. Les formes et couleurs de roches sont très changeantes d'un virage à l'autre. Les géologues doivent se régaler ici ! 

Nous prenons notre temps pour admirer le paysage mais comme hier, ce sont les touristes qui nous dérangent le plus : des convois d'une vingtaine de 4x4 nous dépassent très vite sans ralentir ! Quel odieux comportement ! D'autant plus que ces touristes donnent argent et bonbons aux enfants. Résultat, les enfants (et leurs parents) sont au bord des routes mains tendues, et nous réclament de même.  Ils nous suivent en courant, touchent nos affaires, essaient d'ouvrir nos sacs... ce comportement ne s'observait pas ailleurs alors que cette région est beaucoup moins pauvre car tous ici vivent du tourisme et de l'artisanat.
Nous sommes pris en photo. Hier des 4x4 se sont carrément arrêtés alors que nous nous étions mis à l'écart pour ne pas respirer leur poussière : où allez-vous ? c'est dangereux non ? vos pneus pourraient être moins gonflés sur la piste. Oh c'est électrique ? 
Euh non Madame... 
Quelle plaie vraiment...

En haut des virages "du serpent" il y a encore des hôtels et restaurants, puis l'animation s'estompe.

Nous faisons demi-tour avant que la route s'élève plus car il fait froid même au soleil. Retour dans la ville de Boumalne Dades pour la nuit. Demain, nous partons en





bus à Ouarzazate pour un peu de repos.

71km, 950m D+

Dimanche 1er janvier

Nous avons passé le week-end à Ouarzazate dans un appartement. Un couple américain en moto, Chantil et Travis, occupaient un appartement voisin et nous les avons  invités autour d'un verre. En voyage depuis 3 ans en Europe ils visitent maintenant le nord de l'Afrique : c'est une rencontre très sympathique et stimulante (leur blog retrace leurs aventures).

Ce matin nous partons vers Ait Ben Haddou. Après 15 km sur la route nationale, une piste se présente dans la bonne direction. Vérification sur Openrunner, elle mène bien à notre village. Bien nous a pris car nous allons faire 2 rencontres extraordinaires !

Nous avançons bien sur une large piste quand soudain se dresse devant nous un grand portail qui protège de grands entrepôts. Nous pensons devoir faire demi-tour quand deux jeunes hommes s'approchent, parlant un peu le français :
- oui c'est bien la bonne piste pour Ait Ben Haddou, mais vous auriez du tourner juste avant
- ah merci ! On va faire ça. Qu'est ce que vous faites ici ?
- de la coke, vous voulez visiter ?
- ah  bon ? C'est quoi ?
- du coke
- OK on veut bien visiter

Il ouvre, on pose nos vélos et on le suit dans l'entrepôt vide puis on passe sous des bâches en plastique, et là on les entend : des poussins !
- ah oui des coqs (ouf!) ! Pas des poulets ? 
- non des coqs qui seront vendus à 3kg

Nous savons tout maintenant sur cet élevage dont ils sont les employés : les poussins de un jour ont été  achetés au marché il y a 3 jours. Dans cette salle  chauffée ils boivent de l'eau et des vitamines. Plus grands, ils passeront dans la salle à côté et auront du grain à manger (orge, ble, mais). A 40 jours et 3 kg ils seront vendus. 40 000 poussins sont là, mâles et femelles qu'on apprend à distinguer et qu'on prend dans nos mains. On est très touchés de l'accueil et de cette visite imprevue et repartons dans la bonne direction.


Quelques kilomètres après, 3 garçons traversent un terrain vague et croisent notre piste. Ils ont l'air très contents d'eux, et l'un veut nous montrer quelque chose. Posé sur sa main se tient un iguane...! Bien que vivant l'animal ne bouge pas, Mark le caresse.
- tu l'as trouvé la bas ?
- oui la bas
- qu'est ce que tu vas faire avec ? 
Ils rient comme des petits fous, on sent qu'il y a un secret...
- tu vas le manger ?
- oui ! Dans le tagine... ! 

Adorables gamins qui nous apprennent par ailleurs qu'ils sont frères -mais voilà aussi des cousins qui approchent-, qu'ils vont à l'école tous les jours mais pas aujourd'hui car c'est dimanche où ils étudient l'arabe et le français, et qu'ils voudraient bien avoir quelques dirhams...irrésistibles, Mark s'exécute. 


Arrivés dans notre riad en face du ksar de Ait Ben Haddou classé Patrimoine Mondial par l'Unesco et surnommé le Mont saint Michel du Maroc, nous partons faire la visite. Décor pour les tournages de films de Lawrence d'Arabie à  Game of Throne, c'est un lieu hyper touristique avec son cortège de bazaristes (ce sont les vendeurs) et de touristes (majoritairement italiens) mais intéressant pour son architecture authentique son site escarpé et ses ruelles.

32 km et 330m de D+







Lundi 2 janvier
Nous commençons le retour vers Marrakech avec un obstacle de taille à passer : le Tizi N'Tichka à 2200m.
Il est tout à fait possible de traverser le Haut Atlas en hiver, il y neige rarement. Il faut juste être  bien couvert la journée et la nuit aussi : hier j'ai dormi avec mon cuissard long polaire, 2 paires de chaussettes et 2 hauts thermiques mais sans bonnet cette fois ci. Pourtant on était dans un hôtel tout neuf.
Comme au Chili, au Japon, au Vietnam, en Australie et dans plein de pays qui ont des montagnes, de nombreux bâtiments sont construits sans système de chauffage.  Tout chauffage est donc un appoint plus ou moins efficace qu'il faut éteindre la nuit selon qu'il fonctionne avec une bouteille de gaz (intoxication) ou une clim réversible (bruit).
Les Européens ont donc un problème de riches à régler et c'est bien de s'en rappeler quand on nous demande de ne pas dépasser 19°.

La vallée de l'oued Ounila que nous remontons aujourd'hui est magnifique, et même plus que ça : c'est notre plus belle route au Maroc jusqu'à présent.

Cet oued n'est pas à sec, contrairement aux autres qui n'avaient plus que des puits pour alimenter les cultures. Très sinueuse, l'Ounila est bordée des deux côtés par des villages plus ou moins en ruine, mais avec une activité agricole très diversifiée. 

Le défilement des 4x4 et autres véhicules de tourisme est continu. Ici les locaux n'ont pas de voiture, parfois un âne, le plus souvent une mobylette. Dans chaque village des petits garçons nous appellent. Si on ne répond pas, une pierre roule sous nos roues. Ils courent à côté et ont la main leste pour ouvrir un zip si je ne roule pas assez vite.

C'est tellement beau aujourd'hui que j'ai arrêté de faire des photos. L'Atlas est faite de mille couleurs !

Ce soir nous dormons dans une auberge improbable à 1900m. Le patron a vécu en France et il a tout compris au tourisme : chambre chauffée, eau chaude, bon tagine. On est prêts à payer ce qu'il faut !

60km 1200D+
MA-08-1912 Tizi Tanbdout




Mardi 3 janvier

On n'a jamais rencontré autant de voyageurs qu'au Maroc ! Hier soir dans notre auberge sont arrivés Kévin qui voyage en vélo depuis 3 mois et Pierre qui a loué un scooter pour faire un tour dans l'Atlas. De ces moments passés avec eux, je retiendrai le récit d'un voyage au Kurdistan et le soutien aux combattantes kurdes, et un autre dans le désert de Jordanie. Bonne route à eux! 

Ce matin nous terminons la montée vers le col de Tichka à 2200m qui permet le retour vers Marrakech. C'est une route nationale très empruntée qui nous ramène en plaine et les 40km de descente étaient attendus. Hélas, le nombre de zones de travaux est impressionnant. Avec un vélo de route, on aurait tout cassé... Heureusement le VTT avec ses pneus de 42mm est le velo qu'il fallait avoir ici. Des alternats chaotiques et... cahotiques, un bain de poussière, des chantiers tous les 5 ou 6 km, on a le temps d'admirer les prouesses techniques ! On arrive à Ait Ourir un peu lessivés.

87 km, 890m de D+ et 2200 m de D-

MA-08-2153 Tizi n'Labsyis
MA-08-2200 Tizi n'Tichka 
MA-07-1395 Tizi Ait Imgar


Mercredi 4 janvier
Nous flânons ce matin le long d'une jolie route de campagne et nous croisons Philippe. Jeune retraité, ce cycliste accumule les voyages. Nous échangeons impressions et expériences autour d'un nus-nus et roulons avec lui quelques km. Bon voyage !
Notre boucle est bouclée. Nous avons fait le tour du mont Toukal, sommet du Maroc, dans le Haut-Atlas.
960 km, 16 étapes, 18 cols gravis.
 
Du 6 au 7 janvier, retour en avion
Pour rentrer en France le 6 janvier, voici ce qui était prévu : petit déjeuner à 7h, taxi à 7h20 pour l'aéroport de Marrakech avec un vol Marrakech-Casablanca à 11h35 puis un vol de Casablanca à Marseille à 15h30.

Comme une journée où tout se dérègle, rien ne s'est déroulé comme prévu :
A l'hôtel, j'ai bien vu que Said dormait encore : aucun bruit en cuisine, aucune lumière.  A 6h50, on descend nos 2 gros sacs de 23 kg qui contiennent les vélos démontés, puis je vais taper sur la porte de son local. Grognements, ça y est il est réveillé. Il faut avouer qu'il a été rapide car on a pu avaler quelque chose de chaud avant de monter en taxi. 40 minutes de trajet : le chauffeur a réussi à ne pas écraser un cycliste fou, c'est courant ici de rouler sans lumiere, en noir dans le noir.
Arriver à l'aéroport de Marrakech à 8h15 pour un vol à 11h35, on a de la marge ! Pas tant que ça : faire la queue dehors, tout ce qui rentre dans l'aéroport passe sur un tapis. Puis queue de 1h30 au comptoir RAM pour enregistrer les bagages : plusieurs vols en même temps, files mal délimitées et on était manifestement dans la mauvaise queue. Le comptoir bagage XXL est au même endroit, là on a gagné quelques minutes.
Ensuite queue pour entrer en zone sous douane, on enlève tout y compris les chaussures, c'est assez fluide. Enfin nous faisons la queue pour le contrôle de police pour avoir le tampon de sortie du pays sur notre passeport. Il y a plusieurs guichets, Mark et moi on ne va pas au même.  On se retrouve après et on fait la queue pour rentrer en zone d'embarquement. Mark est refoulé : son tampon de sortie marque 6 janvier 2022 ! Il faut retourner en arrière, d'autres personnes sont concernées, retrouver le bon policier, taper à sa vitre, attirer son regard, lui montrer la date, imaginez sa tête quand il vérifie son tampon. C'est l'histoire d'un gars qui rentre de vacances, ça fait une heure qu'il tamponne 2022 et personne ne s'en rend compte, et ça tombe sur Mark... Après avoir mis un 3 sur le 2 au stylo sur le tampon du passeport (on aurait pu faire ça nous même...), retour au contrôle, cette fois on passe.
Nous voici dans l'aérogare, notre enregistrement est annoncé en B1. Quand ça passe au vert sur le tableau, on s'y rend et là, on voit des gens pas contents du tout : ils nous apprennent que notre vol est annulé et que nous allons être acheminés en bus. (Si vous avez lu ce blog depuis le début, vous savez donc déjà que ce vol a déjà été annulé à l'aller, on avait embarqué dans l'avion puis débarqué). Aucune annonce au micro, très peu de personnel pour nous encadrer, alors il faut être très attentif ! Environ 70 passagers, tous voyageurs étrangers en transit, se dirigent alors vers le fond de l'aérogare.
On repasse le contrôle de police, le tampon annulé est apposé sur le tampon de sortie du pays. Dans le groupe, ça discute beaucoup comme vous l'imaginez : les destinations principales sont Lyon, Nantes, Nice, Marseille et un grand groupe pour New York.
Ensuite, on va récupérer nos bagages sur un tapis roulant heureusement cette année nos vélos sont en sac et pas en carton, car ce qui va suivre n'aurait pas été possible pour nous. On se rend à l'extérieur sans chariot, et 2 bus sont là à nous attendre ... On est tous d'accord pour dire que l'incident était connu d'avance.
Il est maintenant 11h45, un personnel nous assure qu'on va avoir notre vol à Casablanca, distant de 219 km, pas de problème ! On sent qu'ils veulent vraiment se débarrasser de ce groupe excité, et c'est peut être comme ça tous les jours ! On charge les bagages en soute, on monte dans le bus, ça prend un temps fou. On part enfin à 12h30, il n'y as personne de la RAM dans le bus. Le chauffeur pense sûrement qu'on est en excursion, car il prend son temps ! Jamais plus de 100km/h sur l'autoroute, et arrêt de 20 mn pause toilette à mi-chemin. Je suis vraiment en colère, mais j'y crois encore au vol suivant, ou au pire à un vol du soir.
On arrive à l'aéroport de Casablanca à 14h45. Le bus se gare au parking des bus et personne de la RAM ne nous prend en charge... On trouve 2 chariots, on suit un gars qui a l'air de savoir où il va, on court comme des malades, il parle arabe et nous ouvre le passage en criant. Quand on arrive au terminal 2, on passe le bagages dans un scan et là, un policier dit "Marseille c'est terminal 1"... Mark avait admis depuis longtemps que notre vol serait raté, mais il continue de courir avec moi vers le terminal 1. 
Lors qu'on arrive, toujours dans le groupe de ceux qui courent vite, l'enregistrement est terminé. Au guichet RAM, on est les premiers Mark et moi. L'hôtesse nous dit que pour Marseille c'est terminé. Elle change notre enregistrement et nous enregistre sur le même vol pour... le lendemain sans donner plus d'explications sur ce qui va se passer maintenant : allez au bureau transfert. Arrivés dans ce bureau, Mark regarde son nouveau  boarding pass : c'est pas le bon ! Elle nous a donné celui d'un autre couple !
Je veux absolument retrouver la même hôtesse RAM pour faire encore ce changement. Nous voilà repartis en courant vers l'enregistrement RAM : "C'est pas nous, c'est pas nous" ! Beaucoup des gens de notre groupe font encore la queue, je tends nos pass à l'hôtesse avec nos passeports : imaginez sa tête ! Elle fait le changement assez rapidement et on repart au bureau des transferts. On nous remet un voucher pour un hôtel avec une prise en charge de repas de 24h et transport retour à lendemain à  midi.
Il faut encore se débrouiller tous seuls pour trouver la navette de l'hôtel. Ce bus part toutes les demi- heures, donc il faut encore attendre. Pendant ce temps, on organise la garde supplémentaire des chats et mon remplacement pour un salon pro que je devais faire le lendemain. Comme quoi il faut toujours garder du crédit 4G et de l'argent local !
Arrivés à l'hôtel, on ne peut pas se plaindre et on a plus de chance que d'autres passagers qui ont été dispatchés un peu partout, et même au centre de Casablanca à 2 heures de là. Le dîner est tellement mauvais qu'on est malades tous les deux quelques heures après. 
Le lendemain, tout se déroule comme prévu, mais cette succession d'incompétences ternit notre image du Maroc : pendant notre voyage tout s'est bien passé car on était très autonome, mais il faut dire qu'ils ne sont pas du tout professionnels !
 

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